Des pieds et des mains - La chute de l'escargot - Tuer le moustique

Curieuses histoires que ces petites pièces de Martin Bellemare rassemblées dans ce recueil.
Des pieds et des mains met en scène ELLE, LUI, un homme normal, une femme sans tête, un pied mariton, c’est-à-dire mal tourné, une oreille absolue ! Et tout ce beau monde, dans la Fabrique, échange sur des questions aussi vastes que la normalité ; les talents qu’on a – ou pas. Certains ont une oreille absolue, d’autres n’ont pas de nez. Entre fantaisie farfelue et réalités grinçantes, les dialogues se déploient. Pour compenser ce qu’on n’a pas, on peut se compléter : un homme sans bras et une femme sans nez peuvent fabriquer … un individu complet ? Ou des « extras » ? Dans cette alternance de dialogues entre les membres du corps, ou entre les êtres incomplets, brillent des jeux de mots, jeux de lumières, petits éclats de sens incongrus, déconcertants, inquiétants ou drôles.
La chute de l'escargot, seconde pièce est du même style. La volonté de casser la représentation est nette dans la dénomination des « personnages » A,B,C,D,E,F,G. Tous se bousculent et portent en eux, le monde des mots et noms dont ils sont l’initiale Alain, Amed, ou Détresse, Déracinement. La confrontation de E- Escargot ou G-Guépard introduit une fantaisie sur le temps, la vitesse et la lenteur. Sur un fil, très lentement, l’escargot avance jusqu’à la chute, très rapide ! Ce jeu des extrêmes, ce plaisir des mots introduit une poésie tendre entre gravité et humour.
Les personnages de Tuer le moustique se nomment Obsession, Perception, Curiosité, Imagination, ce sont des Pensées. Elles jouent aux échecs où se bougent le roi, la reine, le fou, la tour et tourne autour d’un moustique. Curiosité pose sans arrêt des questions, Perception décrit, Obsession ressasse et Imagination raconte. Entre jeu d’échecs et vie, il y a comme un effet miroir. La solidarité des pièces d’échecs est une image de la solidarité ou de la complémentarité des Pensées au sein du cerveau qui pourtant se chamaillent sans cesse.

Ces trois pièces partagent les jeux de langue et le « dépaysement » des codes théâtraux : pas de personnages, pas d’intrigue mais une façon subtile d’explorer des thèmes plutôt graves par la création d’images qui suscitent l’étonnement, l’amusement de l’auditeur/spectateur. Un univers étrange à découvrir avec Curiosité.