Deux Sœurs en décembre

Depuis le départ de leur père, les deux sœurs de La Tour doivent aussi faire sans leur mère, dépressive. Romy dépose ses peines de cœur auprès de sa sœur aînée Ava, qui tient la boutique de décoration familiale, et du fidèle Ferdinand : elle est en effet amoureuse du proviseur de son lycée, Athanaël Delphus. Elle finit par oser se déclarer.
Il règne une atmosphère à la fois très « british » et « fifties » sur ce virevoltant petit roman. Eliminons d’emblée toute contingence matérielle : Romy et Ava sont de bonne famille, sans aucun souci financier. Si elles portent le poids de la désertion parentale, elles ont aussi une grande liberté d’action. Bien élevées, mignonnes, elles s’occupent dans la journée avec des études, une boutique chic, et dînent au restaurant. Le décor se complète avec Ferdinand, faire-valoir, ami de cœur, et aussi amoureux malheureux de ces deux filles aux plaids en cachemire. Il aurait pu être le narrateur qui observe, mais l’auteur lui a préféré la fantasque Romy. Romantique, très portée sur l’harmonie des couleurs de vêtements, férue de littérature et de musique parfois pointues, Romy mène son monde, y compris le jeune proviseur à qui elle fait oublier tout devoir de réserve. L’intrigue en elle-même n’en est pas vraiment une, on parlera plutôt de scènes de vie où les sentiments sont explorés pudiquement, poliment, par une narratrice touchante, aux phrases longues et au vocabulaire riche. Romy a le sens de la mise en scène, de l’image (elle appelle sa mère « la belle dame branque ») et se balade de cliché en cliché avec des émotions toujours très convaincantes. On se croirait revenu dans une littérature pour la jeunesse de la première moitié du XXème siècle, si ce n’était cet aspect décalé du texte : d’une part l’insouciance constante, les épisodes dramatiques très léchés deviennent improbable, trop simples pour être honnêtes, d’autre part les personnages et les situations sont finalement très modernes (divorce des parents, amours consommés…). Shaïne Cassim s’amuse, réjouit son lecteur avec un second degré qui le fait vibrer avec Romy tout en sachant pertinemment qu’elle n’existe pas. Pour adolescents avertis aimant jouer.