Du bonheur à l'envers

Victor, le jeune héros du Le coeur en braille, a rajeuni. L'histoire veut nous montrer des événements décisifs de son enfance, qui le marqueront à vie et joueront sans doute un rôle dans sa façon d'être par la suite (et dans le roman précédent, donc). Présentement, ses parents sont en crise : son père cherche vainement à donner un sens à son travail de bureau, tandis que sa mère très terre-à-terre voudrait un mari solide qui lui refasse sa salle de bains - avec des flamants roses, le roman est truffé de ces petits détails amusants. Arrive oncle Zak, le frère du père, homme fantasque un brin mythomane, mais doué pour le bonheur. Sous les regards successivement attentifs de la jeune voisine qui observe la famille de Victor, complice de la tante Etoile, autiste profonde, et exaspérée de la mère puis ébahi de Victor, Zak va débaucher son aîné et l'entraîner sur les traces de leur père disparu, un brocanteur.

Le narrateur Victor, personnage ici passif, sait décortiquer les événements avec acuité, faisant montre d'un recul pragmatique à la fois très enfantin (du simple bon sens) et bien supérieur à son âge (de la vérité profonde). Sa façon savoureuse de s'exprimer en petits aphorismes est ici ponctuellement interrompue par cette jeune voisine, qui a vécu un drame et va commencer à se reconstruire grâce à oncle Zak. Cette nouvelle figure n'est malheureusement pas assez exploitée, et de toute façon déménage à la fin. La tante Etoile, par contre, se voit dotée d'une belle personnalité au fil du texte, toute en équilibre entre émotions fortes et incapacité à les communiquer. Et puis reste la question de l'oncle Zak, pierre de touche pleine de mystères, initiateur de bonheur simple aux méthodes farfelues. On adhère ou pas à sa philosophie, elle impressionne Victor et son père en tout cas. Un esprit chagrin ne pourra toutefois s'empêcher d'y voir une certaine apologie de la nonchalance. Un roman à la belle écriture, à l'intrigue sociale juste, mais au héros central incertain...

Ce tome a été rebaptisé en 2015 Le coeur en braille, trois ans avant. Il est suivi de Le coeur en braille, quatre ans après