Encore un jeudi

« Encore un jeudi » dit le héros de Laura Bellini. Qu’est-ce qui l’inquiète ainsi ? Jeudi, c’est jour de bibliothèque ! Tout le récit est construit sur le conflit intérieur de Timmi entre l’injonction familiale, et scolaire, de lire et son désintérêt profond pour le livre. Pour Timmi, ce jour-là cristallise un double défi : choisir un livre, le lire et restituer cette lecture de façon personnelle…

Timmi, mi-enfant mi-insecte, permet l’identification et la distance avec les jeunes lecteurs mais les questions sous-jacentes sont bien réelles et les réponses proposées par Timmi bien intéressantes. Ainsi Timmi donne les raisons de son choix de livre : il a été séduit par les « billes sur la couverture » qui évoquent l’image de billes bien réelles « transparentes, roulantes, dégringolantes ».

Timmi, se sent tout petit face à l’immense escalier qui conduit à la porte fermée de la bibliothèque ; il se sent tout seul au milieu des autres, affairés, et démuni face au livre. On le plaint. Laura Bellini le présente transparent, et multiplie les expressions « lourd, trop lourd » de sorte qu’il semble écrasé. Par-dessus son épaule, nous l’accompagnons dans la découverte de ce livre, « un livre de dessins », un livre de jeux, sans texte et c’est l’émerveillement ! Sorte de catalogue, ce livre ancien présente des jeux traditionnels, billes, quilles, meccano, cerfs-volants et au plaisir de la mise en page s’associe celui de Timmi qui fait parler les images. Au sein du livre, il s’y est plongé, il entend le bruit des quilles qui tombent, il se met en scène au cours du cache-cache avec les copains. Subrepticement une attitude de lecteur se met en route, en dialogue avec les images, dans une relation d’implication au fil du livre et de l’histoire et ce qui était pensum, présenter le livre d’une façon personnelle, devient une joie ; Timmi passe du livre subi au livre vécu et c’est magnifique.

Les thématiques de ce grand album se lisent à travers des styles graphiques différents et des parti-pris d’illustration variés : lorsque Timmi se sent si mal dans son école, lorsqu’il veut nous faire partager son angoisse, le trait à l’encre est presque transparent, les formes allongées ; lorsqu’il plonge dans l’univers du livre ancien, le style décoratif, coloré, crée une atmosphère précieuse, raffinée et en fin lorsqu’il devient créateur, il trouve SON style, enfantin, qui a tout compris de la conception d’un livre et s’approprie avec naïveté les codes et les couleurs.

Un livre et un message vraiment riches pour les adultes, parents, bibliothécaires, enseignants qui doivent conduire à la lecture des enfants pas toujours concernés ; un livre et un message vraiment réconfortant pour les enfants, le livre n’est pas une calamité. Suivez Timmi, c’est un bon guide et une « leçon » magistrale pour petits et grands.