Eon et le douzième dragon

Dans une Chine médiévale romancée, le pouvoir des douze Dragons et de leurs Yeux (des humains choisis par ces créatures d'énergie) équivaut à celui de l'Empereur. Infirme et surtout femme, Eona est distinguée par le Dragon Miroir, endormi depuis des siècles. Tout en cachant son sexe, Eona (rebaptisée Eon) va tenter de maîtriser l'énergie de son Dragon pour s'opposer aux abus de pouvoir de certains Yeux.
Il est juste de comparer ce gros roman, premier de deux tomes, à la saga du Clan des Otori de Lian Hearn : même arrière-plan historique plus ou moins imaginaire, même cascade d'actions et de combats sanglants, autant de personnages hauts en couleurs qui donnent des accents brusques aux émotions... Et la lecture est tout aussi captivante. Mais le héros principal du Clan des Otori était un garçon. Ici, c’est une fille, et la part belle est donc faite aux dames. Classiquement en littérature, Eona cache son sexe pour parvenir à intégrer un monde d'hommes. Or, un des propos de l’intrigue est de découvrir que la synergie entre le Dragon Miroir et son Œil ne peut s’exprimer que dans la féminité : victoire de la Lune sur le Soleil... Ce caractère profondément féministe dans un monde violent rappelle un peu l'Ellana de Pierre Bottero, dont Eona reprend aussi les doutes, la solitude. Mais Eon va encore plus loin sur le thème de la sexualité en introduisant des questionnements forts. Notre jeune narratrice est en effet soutenue par deux êtres à part à la Cour de l’Empereur : un eunuque (une "Ombre de la Lune") et un transsexuel (la noble dame Dela). Si l’action et le suspense sont prépondérants au fil des chapitres, des passages plus psychologiques sont ménagés et permettent aux choix, aux fêlures de chacun de se manifester. Ainsi, Eon est à la fois un roman d’aventures et un roman d’acceptation de soi, à défaut d’apprentissage. A lire avec passion, chez Gallimard jeunesse ou à La Table Ronde, et ne serait-ce que pour l’impeccable traduction de Philippe Giraudon.