Jean et Nemo à l'aventure

Au milieu d’une nature foisonnante en délicieuses couleurs bleue et vert d’eau, Jean et Nemo, « amis depuis leur premier rêve », affirment leur singularité. Nemo, encapuchonné de rouge, domine, assis sur une branche ; Jean, en bleu, lit. Car Nemo, le capitaine, pilote ce duo de charme. Toutes les phrases, d’une grande simplicité, expriment cet antagonisme qui est en fait une complémentarité. On voit les deux personnages chevaucher d’étranges montures aquatiques ; Nemo mène l’équipage… de crocodiles ! Madalena Moniz met en scène un enfant Janus bifrons. Nemo, compagnon imaginaire de Jean, réalise ce que Jean invente ou lit et le récit se focalise alternativement sur l’un et l’autre dans un balancement savant où chacun occupe un rôle défini. A Jean, la réflexion et l’invention ; à Nemo, l’accomplissement de l’aventure inventée. Après la forêt, l’eau, celle des navires, des abîmes, des animaux marins, baleine, poulpe aux bras nombreux… Tout un imaginaire prend forme sous les yeux des lecteurs dans une paradoxale douceur malgré les risques surmontés, telle l’escalade de l’arc-en-ciel ou celle du monstre marin. La journée épuisée, les enfants s’endorment dans la forêt et la page finale amène le lecteur à reconsidérer les personnages. Seul, Jean est dans sa chambre encombrée de jouets, la tunique rose pâle de Nemo sur son lit.

Parler d’aventure à rebours des images de héros guerriers, faire l’éloge de l’imagination et celui de l’amitié pour conjurer la solitude, chanter la vie rêvée et renverser les valeurs, tels sont les mérites de ce livre extrêmement doux pour réconcilier avec eux-mêmes des enfants timides et affirmer que l’aventure n’appartient pas seulement aux super-héros. Une voix sensible à entendre.