La princesse

Surprenante princesse que l’héroïne de ce conte ! Un petit nez retroussé, une coiffe extraordinairement vieillotte, une balle de tennis dans une main et une raquette dans l’autre, elle a le pas vif mais peu royal. Elle prend un grand plaisir à ce sport qu’elle pratique « comme à son habitude ». Pas de chance, ce jour-là, elle se blesse et c’est alors que commence l’histoire burlesque et douloureuse de La Princesse.

Sur le principe du comique de répétition, nous assistons à un duo entre la princesse et son valet, Loup. Comme dans Laurel et Hardy, à la même époque, un personnage décidé et autoritaire est confronté à un compère incompétent et lent. Ici, la princesse a besoin de calmants pour ses bleus. Une bouillote, un baume ? Mais pour Loup comment savoir quelle est la bonne bouillote, bleue, marron ? L’intrigue est mince, la princesse sera-t-elle comprise et soignée ou non ? Le plaisir est ailleurs, dans les répétitions, la princesse « sonne et attend. Trois minutes, quatre minutes, cinq minutes, dix minutes » et le scénario se répète, une fois, deux fois. Après cette attente insupportable, Loup arrive l’air penaud mais pas trop, il a de bonnes raisons. Le cheminement de Loup vers la « pharmaclie » est un plaisir aussi, il s’adresse à Goupil, à une grand-mère, un parfait benêt.

En outre, le sel de cette histoire tient à son auteur, le compositeur Arnold Schönberg que l’on n’imaginait pas en papa poule si attentif aux enfants. Pourtant, le dossier documentaire bien conçu laisse la parole à sa fille Nuria qui nous apprend que cette histoire est un enregistrement authentique de son père (accessible en allemand ici).

On peut trouver que le lien entre la révolution musicale apportée par le dodécaphonisme, la musique sérielle et l’histoire inventée tel que le musicologue Esteban Buch l’argumente, un peu ténu mais néanmoins, ces deux documents éclairent de façon originale ce conte séduisant qui bénéficie d’une illustration pleine d’esprit. En effet, Peter Schössow sait ménager une atmosphère intemporelle et des clins d’œil graphiques qui rapprochent l’écrit de contes connus des enfants. Ainsi le pharmacien où se rend enfin Loup est un cochon, qui tremble devant son client. En chemin, il croise la grand-mère qu’il salue fort élégamment sans reconnaître en elle, une fort ancienne victime. Le lecteur pris par la main par l’illustrateur éprouvera beaucoup de plaisir à la lecture de ce livre patrimonial. Une découverte heureuse!