La saveur des figues (Moana I)

Cela pourrait être une histoire catastrophe puisque le cadre de l’action est une terre glacée. Suite à une série de bouleversements climatiques, notre planète connaît une nouvelle ère glaciaire. Même les îles du Pacifique connaissent un climat polaire, le nombre de terriens ne dépasse pas 10 millions et les personnes âges de plus de soixante ans disparaissent dans de mystérieuses maisons du souvenir. Les livres aussi y sont interdits. Ils sont le passé et, dans le monde dictatorial, on veut l’oublier.
Mais ce n’est pas que cela.
Moana vit aux Marquises, elle a douze ans et, comme toutes les filles de son âge, elle doit bientôt se marier pour assurer le repeuplement de la planète. La vie quotidienne est difficile car, sur ces terres gelées, il faut se nourrir. La famille de Moana a un secret : elle garde à la maison Mémine, l’arrière-grand-mère de Moana, âgée de quatre-vingts ans qui, selon la dure loi en vigueur dans ce monde, aurait dû partir à Pondichéry, le siège du gouvernement mondial où se trouvent les fameuses maisons du souvenir. Mémine détient une richesse inestimable, la mémoire du monde d’avant, où le climat était plus doux, où les plantes et les animaux existaient encore en grand nombre. Mémine raconte et transmet tout cela à Moana, qui l’écoute passionnément et enregistre. Mémine se rappelle la saveur des figues et autres choses délicieuses que l’on trouvait, avant. Moana ne veut pas se marier, elle ne veut pas n’être qu’une reproductrice. Aussi décide-t-elle de s’enfuir, avec Mémine, dont l’existence est menacée. La très vieille dame et l’adolescente entament alors un voyage long et périlleux, comme passagères clandestines, pour la terre des ancêtres de la famille, à Girolata, en Corse. Là, peut-être, la vie pourrait être autrement.
Ce roman d’anticipation, écrit à la première personne, va à rebours des romans ou films catastrophe. Il ne s’intéresse pas qu’au spectaculaire. Il pose de nombreuses questions de fond qui sont au cœur de nos sociétés : la place et le rôle des femmes, ceux des personnes âgées, les relations entre générations, la transmission des savoirs, le fait de se rappeler le passé pour mieux construire l’avenir. Le récit de Moana est emprunt de douceur et de sensibilité et son personnage est extrêmement attachant, tout comme celui de Mémine. De nombreuses questions restent en suspens. Il faudra patienter jusqu’à la parution du tome 2 pour en savoir plus.