Le déjeuner sur l'herbe

Ah, les beaux jours… En 1870, un couple d’amoureux organise un pique-nique en forêt avant d’être brutalement chassé par la pluie. Un peu plus tard, le renard et deux escargots se régalent…

Les saisons passent sur les jolies assiettes et couverts disposés, la vie continue… En 1970, une taupe s’installe et déterre une cuillère ! Et en 2070 (c’est demain), les services archéologiques s’en mêlent, essayant de comprendre le mini-drame qui s’est noué deux siècles plus tôt.

Le procédé répétitif, un peu figé, a ici tout son sens : page gauche, un vieux chêne raconte ce qu’il voit sous ses branches, et page droite, une photographie montre en gros plan l’évolution des deux assiettes… Le montage est astucieux : regardez attentivement les pages de garde avec les auteurs en action.

Sur cette nature morte en renouvellement, les animaux empaillés et les escargots (en plastique ?) sont criants de vérité, et il y a de vrais aliments, dont un camembert normand comme les éditions Orep, tandis que feuilles et herbes donnent envie d’y mettre la main. L’effet hyper-réel détonne en illustration jeunesse. Seul reproche, mais important à mon goût : les mains artificielles des mannequins humains… A moins qu’il ne s’agisse d’un choix artistique ? Pour rester dans le ton originel du XIXème siècle, des gravures s’invitent sous le texte, sur un fond de papier peint ou de carte IGN.

Je me demande si on ne s’intéresse pas d’abord plus à la technique originale qu’à ce qui est dit. C’est possible, mais le récit est malin, proposant justement une exploration scientifique du temps qui passe à partir de photographies qui ne sauraient mentir. Ceci n’exclut pas la sensibilité : le chêne s’exprime avec détails et presque poésie. La dédicace à Rimbaud se comprend alors dans le rapport à la nature, éternelle au-delà de l’homme qui s’affaire petitement…