Le détour

Dans un décor de rochers, noir, gris et blanc, deux enfants en vareuse, chaussés de bottes : « C’est lundi...! »

Le récit s’ouvre sur un tableau d’atmosphère. Au petit matin sombre, quelques lumières aux fenêtres de maisons perdues dans la végétation des grands arbres, un chat traverse la route. Ce n’est pas inquiétant, intriguant plutôt. Les pages suivantes vont nous éclairer : six vignettes tracent l’itinéraire d’un bus, cahoté dans le paysage, puis deux enfants, surgis d’une maison, courent après... Trop tard ! 

Que faire ? Y aller à pied.

Rozenn Brécard alterne vastes tableaux de l’environnement marin entre terre et mer, les enfants s‘y perdent, et plans rapprochés où petit à petit ils vont tirer un parti heureux de la situation. D’abord fâchées, ils s’émerveillent devant le soleil levant, jouent aux pirates dans un bateau, aux gendarmes et aux voleurs, à cache-cache avec un garde-côte qui s’étonne de leur présence en dehors de l’école.

Dans cet univers immobile de mer, de village, et de rivière, île et terre mêlées, les enfants lutins sautent, dansent d’un point à un autre, repérables grâce à la vivacité des couleurs jaune, rouge, bleu, de leurs vêtements.

Dans leur cavale, ils sont rejoints par un chien (« qui pue ») et le trio se fait la belle. Folle aventure, il chante une ode à la liberté. Avec lui, le lecteur va faire un tour dans les installations portuaires, vivre un voyage immobile dans un voiture abandonnée, échapper au gendarme et au propriétaire du chien qui le recherche. Point culminant de cette escapade, la baignade, nus, comme en rupture avec toutes conventions. Mais le froid, la faim, signent le retour au réel. Un dernier regard à la beauté du soleil couchant, le trio soudé contemple la ria.

Entre album et BD, le récit linéaire extrêmement simple donne à voir la beauté du monde, la créativité malicieuse des héros – presque – malgré eux, l’école buissonnière comme un pied de nez aux habitudes, le sentiment du bonheur et la liberté défendue à portée de main. Un grand bol d’air !