Le feuilleton d'Ulysse

Est-ce pour répondre à la recommandation de Charles Péguy « comme si chacun de ces chants (…) était de quinzaine en quinzaine, de semaine en semaine, un cahier que vous viendriez de faire paraître » que Murielle Szac a conçu La mythologie grecque en cent épisodes ? Sûrement pas mais après Hermès et Thésée, elle a vérifié la force et la pertinence de l’écriture en feuilleton pour faire vivre des émotions et les faire partager. Séries cinématographiques, télévisuelles ou littéraires en témoignent, les lecteurs / spectateurs aiment s’immerger dans un univers romanesque, s’y perdre et s’y retrouver. L’Odyssée en est le prototype, et sa forme initiale de chants successifs se prête particulièrement bien à la forme de feuilleton, par épisodes, encadrés par un court résumé et la formule magique « à suivre… » Comme dans les vieux romans de chevalerie ou leurs formes comiques, les aventures sont annoncées par une phrase qui informe sur le contenu de ce qui va suivre « Où l’on assiste à une terrible vengeance » ; « Au cours duquel un frère et une sœur se retrouvent ». Le lecteur auditeur, ainsi mis en condition, imagine déjà ce qui attend le héros. Chaque épisode s’achève sur une question ou une sur une ouverture selon les procédés de l’oralité « et alors… ? et alors… ? » jusqu’à la prochaine fois.

Sans rien perdre de la complexité des aventures, Murielle Szac détricote l’Odyssée et propose à la sagacité des lecteurs, toute la richesse du voyage. Son style joue du discours et du récit en alternance dans chaque épisode et on entend Circé la magicienne, la douce voix de Pénélope ou celle de Priam qui émeut Achille. Elle rend ainsi grâce à la poésie homérique et tout en adaptant l’histoire, elle en conserve le souffle.
Le format, la mise en page, les illustrations de Sébastien Thibault qui situent les aventures dans une Grèce intemporelle, contribuent au plaisir de ce livre. Beaucoup d’images complexes, jouant sur les superpositions, laissent la rêverie ouverte et accompagnent le cheminement des personnages.
Indépendamment de sa langue originelle, sans l’affadir, Murielle Szac met à la portée du plus grand nombre, un des textes fondateurs de l’imaginaire occidental.