Le grand méchant renard

Le « grand méchant renard » a un objectif : kidnapper les poules de la ferme. S'il n'a pas de plan rusé et n'est guère impressionnant comme son ami le loup, il ne manque pas de volonté. Mais les poules savent taper du bec et le cochon, le lapin, même le chien de garde l'ont pris en pitié. Et donc, alors que le loup fait diversion en hurlant, le renard peut voler quelques œufs en toute discrétion. L'idée est de faire éclore les poussins, de les engraisser, et de s'en régaler ensuite.

Oui, mais le renard, qui a couvé, vu naître, élevé les trois petites boules de plumes finit par s'y attacher. Il va donc devoir les protéger du loup, et faire comprendre aux poules de la ferme, désormais très organisées contre les attaques, qu'il ne leur veut plus de mal… La mission est mal engagée, quoique les trois poussins-renards ont au contact de leur « maman » développé des facultés de défense très canines.

Pleine d'humour, la bande dessinée use aussi de tendresse, et on adore voir le renard fondre devant les poussins qui passent d'un petit « pi pi pi » à des « pwi pwi » stridents en quelques secondes : la paternité est tout un apprentissage. Les stéréotypes sont renversés page après page : le renard n'est pas malin comme sa nature le laisserait penser, les poussins deviennent plus violents que lui en quelques leçons, les poules supplantent le chien dans leur propre protection, etc.

Tout simple, l'unique argument de l'histoire aurait pu avoir un peu de mal à tenir deux cent pages. Il y parvient pourtant, grâce à une foultitude de détails qui viennent et reviennent amuser le lecteur. Ce sont les navets que mange le renard repeints en poussins afin de duper le loup, ce sont les nombreuses et radicales méthodes d'extermination du renard par les poules, c'est la marmite dans laquelle le renard fait dormir les poussins (les petits respirent-ils encore?), c'est le chien de garde résolument décidé à ne pas travailler outre mesure...

Sur fond blanc et à l'aquarelle, le dessin expressif, assez stylisé, participe aussi du rire du lecteur. Comme dans les cartoons, le renard est bien souvent écrasé mais se relève toujours. Les personnages font les gros yeux à la moindre surprise. Le loup adopte l'attitude blasée du prédateur ultime. Les poules bien dodues se dandinent avec aisance. Et bien sûr, les poussins s'accrochent aux basques de leur mère adoptive… Une bande dessinée tous âges vraiment très distrayante, qui mérite le détour.