Le petit monde de Nour

Tout en douceur, en rose poudré, sous un trait léger apparaît Nour. Cartable au dos, attirée par un papillon, elle va hardiment « à l’école » dit le texte. Mais le lecteur en doute un peu ; flaques et papillon sont trop tentants, « elle se perd » et on a vite le sentiment que cela ne désigne pas seulement le chemin… Elle se perd dans ses pensées, elle danse, rit, « Nour n’écoute jamais ce que les autres disent ». Le trait de Jérôme Ruillier nous montre que les fourmis l’attirent. Le récit d’Isabelle Carrier installe petit à petit le sentiment d’exclusion : « les enfants rient. Les adultes se fâchent », Nour baisse la tête. « A force, Nour sent naître au fond d’elle une petite tristesse ».

Texte et images se renforcent dans leur complémentarité. L'économie dans l’expression et une symbolique petite boule grise rendent sensible à la tristesse qui gagne Nour. Petit à petit, le gris envahit le rose et le blanc, Nour disparaît. Cette lente montée du désespoir culmine dans le gris intégral d’une double page.

La deuxième partie du récit montre l’incompréhension des adultes, leur perplexité, voire leur impuissance jusqu’au dénouement qui permet de relâcher la tension, avec la joyeuse malice des flaques d’eau où Nour va sauter.

Ce récit subtil et fort met à jour les mécanismes d’exclusion plus ou moins conscients qui s’opèrent à l’école comme en société. La poésie des auteurs n’enferme pas Nour, et cet album optimiste offre l’occasion de parler de la différence mais aussi de la place que chacun peut trouver en conjuguant les singularités.