Le prince heureux, le Géant égoïste et autres contes
L'avis de Ricochet
Gallimard jeunesse réédite cinq contes qu’Oscar Wilde publia en 1988, agrémentés des illustrations d’Etienne Delessert, le dessinateur suisse installé aujourd’hui aux Etats-Unis.
Au sommaire du recueil : Le Prince heureux – Le Rossignol et la Rose – Le Géant égoïste – L’Ami dévoué – La Fusée remarquable.
« Au-dessus de la ville, sur une haute colonne, s’élevait la statue du Prince Heureux. Il était recouvert de minces feuilles d’or fin, ses yeux étaient faits de deux brillants saphirs et un gros rubis étincelait au pommeau de son épée. » Tel est le début du premier conte. Cette précieuse statue est celle du prince qui régna sur la ville autrefois. Lorsqu’une hirondelle esseulée se pose sur elle, l’oiseau s’aperçoit que le Prince pleure la nuit sur la misère de sa ville. Il lui demande alors d’être son messager et d’aider les malheureux en leur offrant les pierres précieuses dont il est orné. Son dépouillement ultime conduira les responsables de la ville à démolir la statue, devenue inutile à leurs yeux. Mais un ange comprendra la beauté de cet homme mort une deuxième fois pour secourir les plus démunis. Une histoire très belle et mélancolique à la fois, qui montre ce qu’est la véritable richesse.
« Tous les après-midis, en revenant de l’école, les enfants allaient jouer dans le jardin du Géant.
C’était un grand et ravissant jardin avec une douce herbe verte. Ca et là, sur l’herbe, il y avait de belles fleurs qui ressemblaient à des étoiles, et il y avait douze pêchers qui, au printemps, s’épanouissaient en délicates floraisons couleur de rose et de perle, et, en automne, portaient des fruits magnifiques. » Ainsi commence le conte du Géant égoïste, dont le jardin reflète son rapport au monde et aux autres, ne s’épanouissant que lorsque le Géant laisse les enfants jouer chez lui. Que seraient la beauté et l’amour s’ils n’étaient pas partagés ? Une métaphore du Paradis, à la fois douce et cruelle.
Le début du Rossignol et la Rose, c’est cela : « Elle a promis de danser avec moi si je lui apportais des roses rouges », s’écria le jeune Etudiant ; « mais il n’y a pas une rose rouge dans tout le jardin. » Un rossignol, entendant les lamentations du jeune homme, part à la recherche de la fleur. Ne trouvant qu’une rose blanche, il se sacrifie afin que son sang empourpre la fleur tant désirée. Ce conte très bref est magnifique, et interroge sur la valeur véritable du sentiment amoureux.
« Un matin, le vieux rat d'eau mit sa tête hors de son trou. Il avait des yeux ronds très vifs et d'épaisses moustaches grises. Sa queue semblait un long morceau de gomme élastique noire.
Des petits canards nageaient dans le réservoir, semblables à une troupe de canaris jaunes et leur mère, toute blanche avec des jambes rouges, s'efforçait de leur enseigner à piquer leur tête dans l'eau. »
Un ami dévoué met en scène un jardinier généreux et un peu trop naïf, toujours prêt à secourir son riche ami. Il apprend à ses dépens que la valeur de l’amitié n’est pas la même pour douce. Histoire douce-amère et parfois cruelle.
« Le fils du Roi se mariait et il y avait des réjouissances générales. Il avait attendu sa fiancée pendant une année entière et elle arrivait enfin. C'était une Princesse Russe et, de Finlande, elle avait conduit tout le long du chemin un traîneau tiré par six rennes. Le traîneau avait la forme d'un grand cygne d'or et, entre les ailes du cygne, se tenait la petite Princesse elle-même. Son long manteau d'hermine tombait jusqu'à ses pieds, elle avait sur la tête un petit bonnet tissé d'argent, et elle était aussi pâle que le Palais de Neige dans lequel elle avait toujours vécu. »
A l’occasion du mariage princier, un feu d’artifice est lancé … La Fusée remarquable pourrait être un conte de fées, mais le texte, un peu décalé, drôle et triste à la fois, montre la vanité et l’égoïsme dans les sociétés humaines.
Les contes d’Oscar Wilde explorent les comportements humains, dans ce qu’ils ont de beau, de désintéressé parfois, de cruel et de noir aussi. Il y a du désenchantement dans le propos et de la douceur dans l’écriture.