Les ombres grandissent au crépuscule

« On porte tous en nous le Jour et la Nuit. Et quand le crépuscule arrive, les ombres commencent à grandir… » (p. 206)
Joël, bientôt douze ans, habite avec son père en Suède. Sa mère est partie, il y a longtemps, et n’est jamais revenue, laissant un vide latent dans la petite famille. Le jeune garçon va vivre une expérience extraordinaire : il passe littéralement sous les roues d’un bus, et en ressort indemne. De ce Miracle, il se persuade qu’il doit tirer quelque chose afin qu’il ne lui soit pas repris (et donc qu’il meure de son accident…). Remercier Dieu ? Il ne croit pas vraiment en Lui. Faire une bonne action ? Joël retient l’idée, mais il va avoir du mal à trouver quelle bonne action réaliser. Aider son ami le vieux fou Simon à prendre un bain est beaucoup trop risqué. Il resterait bien Gertrude, jeune femme handicapée physique (il lui manque le nez)… Joël se met en tête de lui trouver un mari.

Le narrateur externe se focalise exclusivement sur les pensées tournoyantes du sensible Joël, personnage autonome, assez solitaire, capable d’analyser ce qui l’entoure et de penser le temps qui passe vers l’âge adulte, mais encore trop jeune pour savoir quoi faire de toutes ces observations. Attention, il n’y a aucune mélancolie dans ces tribulations d’ailleurs plutôt loufoques d’un jeune garçon qui veut faire le bien envers et contre tout/tous. Sa bonne action l’amène à sécher l’école, à mentir à son père, à faire des bêtises plus grosses que lui ; la fin justifie les moyens, semble penser le héros. On se laisse porter par le récit linéaire très simple, qui alterne sans transition la dégustation d’une grosse crêpe à la confiture avec la détresse soupçonnée de l’excentrique Gertrude. L’air de rien, Joël va ressortir grandi des aventures qu’il aura provoquées : moins naïf, plus cynique, mais toujours tourné vers l’amour et l’amitié. Un étrange roman bâti sur une hypothèse enfantine, et qu’on pourrait qualifier d’apprentissage par expériences interposées…