Libération

Homosexuel, Adam est le fils honni d’une famille d’évangélistes. Dans sa province au milieu de nulle part, il se console avec sa meilleure amie Angela, fille pétulante et ouverte. Ce samedi, il est question de fêter le départ d’Enzo, premier amoureux compliqué d’Adam. Aujourd’hui en couple avec Linus, Adam n’est pas sûr de ne plus aimer Enzo. Au fil de menus et de grands événements s’égrenant d’heure en heure, Adam va mieux se comprendre et faire des choix intérieurs importants.

Parallèlement à ce récit, le narrateur externe développe l’histoire fantastique d’une « Reine » et de son serviteur, un faune. Animé d’un esprit puissant, la Reine a pris l’enveloppe charnelle d’une jeune droguée récemment noyée par son petit ami. Restitué en italiques dans d’assez bref passages, ce drame sinue entre les réflexions d’Adam, jusqu’à ce que les deux mondes se rejoignent un court instant. L’instant qui fera basculer Adam du côté de la liberté…

Pas question pour Patrick Ness de céder à la facilité d’un roman adolescent lambda retraçant la quête identitaire et sexuelle d’un héros, aussi attachant soit-il. La superbe écriture est bien plus fine, hyper suggestive d’abord, sans élans romantiques comme on s’y attendrait. Ici, tout est gris, tout est crûment dit, tout est possible en bien ou en mal. Et puis ces épisodes surnaturels perturbent, interrogent quant à leur sens. Sans doute viennent-ils nous rappeler l’urgence de vivre le présent, mais chacun choisira son interprétation. Et c’est là la marque de la littérature avec un grand L...

« Alors l’esprit, pas la Reine mais l’esprit même, tend la main et demande au garçon, simplement :
- Comment faire pour lâcher prise ?
Le garçon s’immobilise, surpris. Ses yeux glissent sur le faune, l’acceptant sans condition, d’un regard, tandis que le soleil pose son premier baiser sur l’horizon. La fin commence. La fin commence mais -
- C’est la question, n’est-ce pas ? dit le garçon. Pour tout le monde.
- Tout le monde, acquiesce l’esprit. » (p. 265)