Lockwood & Co (T. 1). L'escalier hurleur

Dans un futur incertain, le monde est devenu la proie des fantômes. La nuit, des spectres insatisfaits menacent les humains, et un commerce florissant de chasseurs d'ectoplasmes s'est mis en place. Les entreprises emploient de très jeunes gens, plus sensibles et donc à même de distinguer clairement les dangers qui ne sont finalement qu'émotions.
Après une enfance difficile, Lucy est devenue une des plus talentueuses chasseuses de sa génération. Inconnue à Londres, elle ne trouve cependant à s'employer que dans un petit cabinet indépendant, composé de deux adolescents : le flegmatique Lockwood et l'insupportable (mais prévoyant) George.
Malheureusement, une enquête à propos d'une jeune célébrité autrefois assassinée se transforme en fiasco et endette durablement Lockwood & Co. Un riche homme d'affaires – il a fait fortune dans le fer, que ne supportent pas les fantômes – leur propose alors un défi de haute volée : passer la nuit dans son manoir infesté de revenants, entre un Escalier Hurleur, une Chambre Rouge et des histoires de moines tués à faire se dresser les cheveux sur la tête.

Déjà auteur de la trilogie à succès Bartiméus, Jonathan Stroud est en passe de récidiver avec cette addictive intrigue des pourtant classiques fantômes. Le principe est séduisant : un Londres presque contemporain (plutôt intemporel), au sein duquel une nouvelle économie est née, liée donc à l'achat de fer, de sel, de gris-gris protecteurs, et à des agences de détectives. L'auteur pousse le détail jusqu'à inventer des grands noms rivaux, et un département de surveillance, le sourcilleux DERCOP...
Une autre bonne idée est de faire raconter l'histoire par Lucy, d'abord extérieure à l'agence, et par les yeux de laquelle nous découvrons petit à petit l'univers de la série. Les héros adolescents vivent seuls, c'est même ce qui les distingue des autres chasseurs accompagnés d'adultes : l'identification se fait très vite, d'autant que la narratrice est dotée d'un coup d'œil acéré, d'une verve sympathique. Promené dans la campagne anglaise, le lecteur songe encore à Sherlock Holmes. Lockwood est en effet de la trempe des amateurs de logique, de ceux qui ne laissent rien voir de leurs sentiments mais n'en pensent pas moins.
Le risque était l'enchaînement d'énigmes et de combats sans lien entre eux : l'écueil est évité avec une construction fine, et les deux enquêtes principales se mêlent ainsi à la survie même de l'affaire Lockwood & Co. Souhaitons que le rythme soit conservé par la suite. En attendant, laissons les frissons nous gagner avec un plaisir sans partage ; certaines scènes sont complètement effrayantes, et Stroud se montre excellent conteur. Dès 13 ans.