Lubie

Comment être à la hauteur d’un héritage ?
Comment trouver sa voie sous l’écrasante notoriété du père ? Jan Breughel, fils cadet de Pieter Breughel, dit l’ancien, a le succès dû à l’élégance de son travail. Il devient Breughel de Velours, reconnu dans toutes les capitales de l’époque mais il n’a pas la puissance, la force ni le pouvoir de son père. Peut-être lui manque-t-il un grain de folie ? Tel est le fil conducteur de cet album de Frédéric Clément. Il y distille des données biographiques exactes : Jan a perdu son père lorsqu’il a dix ans, il fait ses premiers apprentissages avec sa grand-mère aquarelliste.
Le fils se ressource dans le travail du père. Chaque année, le jour de son anniversaire, il va se fournir en rouge chez la marchande de couleurs des Jeux d’enfants, son tableau préféré mais il renonce à se servir du sang-dragon de son père, légué dans « [un] pot de Père, ce pot de peur » qui fait horreur.
Frédéric Clément mêle l’hyperréalisme des outils du peintre hors du temps, ceux de Breughel ou les siens et les tableaux inspirés de Breughel comme reflet de sa fascination pour la précision, la délicatesse des peintres flamands. Chaque tableau composé par Frédéric Clément est habité subrepticement par la présence de Lubie, la farfadette, démone, aiguillon de son ambition, demoiselle sur une balançoire, taille de guêpe, robe en ailes de papillons, cachée ou dévoilée derrière son face-à-main ou ombre sur l’arrondi d’un vase de fleurs ! La maîtrise technique remarquable de Frédéric Clément fait jouer ensemble peinture et photographie, le tout dans des harmonies subtiles de demi-teintes majoritaires.
Fable élégante sur l’artiste qu’on voudrait être et celui qu’on est, mais aussi marque de la destinée humaine, comme dans les « vanités », Frédéric Clément met côte à côte les pommes de rêve, idéalisées et une vieille pomme toute ridée, pourrissante. Un album remarquable propice à de nombreuses lectures et rêveries !