Petit vampire et le rêve de Tokyo

Petit Vampire, l’un des très nombreux « enfants » de papier de Joann Sfar, est l’un des personnages les plus attachants de la bande dessinée pour enfants, un très gentil monstre qui se réjouit toujours de retrouver son copain Michel, le garçon humain. Mais dans ce 7ème volume, Michel a la grippe, Michel garde le lit et il lit des mangas. Enthousiasmé par ses lectures, Michel décide de devenir mangaka quand il sera grand. Petit Vampire, venu soutenir son copain, réalise avec tristesse que lui ne grandira jamais. Il finit par rentrer chez lui avec quelques mangas et un petit coup de cafard. Lorsqu’il s’endort, Petit Vampire fait un rêve, celui d’un Tokyo où les « gens sont bizarres », parlent tous d’alligator, où les superhéros tombent du ciel et les lapins parlent. Petit Vampire se fait un copain qui lui explique quelques clés de base pour s’y retrouver à Tokyo et la manière dont on obtient un nom à l’école pour personnages publicitaires. Il s’aventure ensuite dans les méandres de la mode et de ses diktats et se demande bien quand enfin il va se réveiller !

Voici un épisode inattendu dans les aventures de Petit Vampire, entre rêve et réalité, où il s’agit de se laisser porter et guider par la narration qui prend parfois des tours et des détours surprenants, tout comme dans Little Nemo, autre grand rêveur, de Winsor MacCay, l’un des précurseurs de la bande dessinée, dont on a fêté les cent ans.

Nul doute que ce rêve de Tokyo a été inspiré à Sfar par le séjour qu’il fit l’an dernier dans la capitale nippone, à l’initiative de Frédéric Boilet, mangaka français installé au Japon depuis une quinzaine d’années, qui a coordonné le projet Japon, publié très récemment chez Casterman dans la belle collection Ecritures. Mais comme souvent, Sfar étonne et s’embarque là où on ne l’attend pas, en livrant une vision du Japon tout à fait personnelle et juste à la fois, par le truchement de l’œil d’un enfant vampire qui n’est tout de même pas à un monstre ni à une bizarrerie près ! Il aborde aussi, avec une légèreté de surface, quelques questions de société qui concernent toutes les sociétés occidentales : consommation à outrance, prédominance de l’économique au détriment de l’humain, satisfaction immédiate des envies, modes éphémères et frivoles … Intelligent et intéressant à lire et à rêver.

Chaque album de cette série constitue une aventure complète et peut se lire indépendamment des autres.