Pour demain et bien plus loin

De quoi sera fait demain ? Qui peut le dire ? Personne ? Tout le monde ? L’un, l’autre. L’un après l’autre…

Dans Pour demain et bien plus loin, Albertine et Germano Zullo créent une sorte de fable philosophique sur l’espace-temps à venir, construit peu à peu, à l’aveugle ou grâce à l’énergie de chacun, selon la lecture que privilégiera le lecteur.

Un petit homme réduit à une silhouette fil de fer s’avance. Un poteau à la main, il marche vers une forme patatoïde bleu vif. Il va sans doute l’enfoncer quand un autre personnage, un semblable (un frère ?), arrive et l’interpelle : « Tu fais quoi ? ». Un étrange dialogue s’engage entre les deux protagonistes. Le premier est fort de sa conviction : le truc qu’il construit « sert à demain ».

Cette saynète – un personnage, homme ou femme, arrive, interpelle un autre déjà présent en train de déposer une forme de couleur, douce, ronde et vide – se répète une dizaine de fois. Au fur et à mesure des interventions, la page est envahie de jolies formes colorées comme un puzzle mal ajusté, un peu instable et pourtant équilibré.

Un peu comme dans La rumeur de Venise, ou les contes de randonnée, le texte et l’illustration jouent avec l’accumulation et la répétition des formules. Cohabitent des expressions familières (« ouais», « un truc », « c’est quoi ? »), des juxtapositions étonnantes de concret et d’abstrait (« ça sert au futur »), des évidences (« parce qu'aujourd’hui c'est aujourd’hui et que demain sera demain »), etc.

Avec tout cela l’album se construit, d’amas en outil, d’outil en instrument, d’instrument en capacité, et amène le lecteur à distinguer « utilité », à court terme, et « service » rendu à la communauté au-delà de ce qui est imaginé par les acteurs modestes de cette transformation continue, obstinée, à bas bruit.

Ce livre très joueur est-il un éloge du bricolage créateur (ou créatif), une ode au hasard constructif, un hymne optimiste à l’avenir qui se construit de bric et de broc ? Peu importe, plein d’humour et de tendresse, c’est un caillou à garder en poche pour « réfléchir ».