Prince Edmond

Cinq histoires composent le recueil Prince Edmond d’Agnès Maupré, un prince pas très royal, plutôt un anti-héros qui n’assume pas tout à fait sa position.

La preuve : il a pour ami un dragon rose, avec une bonne tête de chat/chien indéfini, poilu, touffu qui le pousse à agir alors que pour sa part il préfèrerait se tenir à l’écart des forfanteries des autres enfants en particulier de Kahys, le caïd, et de son terrible dragon cracheur de feu. Héroïque malgré lui, Edmond se laisse entraîner dans une aventure délirante et libère ce dragon effrayant. Dans la nuit étoilée, il déclare à son compagnon : « Il va pas être content, Kahys ». Et dans un regard affectueux, il lui lance : « Viens, mon chou, on va manger des fraises », modeste et plein d’humour.

Edmond est un personnage résolument attachant. La deuxième histoire le met en scène, rêvant d’être un prince-tigre. Il se dessine des rayures sur les membres et, ainsi transformé, part à la recherche de nourriture car le voilà affamé. Mais comme il est gentil et craint de perdre une dent de lait, l’enfant se refuse à croquer dans les fesses d’une antilope, évite de manger des marcassins et s’abstient même d’avaler un lapin. Il trompe sa faim en jouant avec eux et partage leur goûter de glands… Pas très bon, ni au niveau du goût ni pour la dent fragile !

Ces récits fantaisistes mettent côte à côte différents univers : la fable animalière, le conte traditionnel, la bande dessinée, avec ses procédés de découpages, de cadrages, de prises de vue et de perspectives qui isolent un personnage, puis un autre dans une vignette ou un gros plan.  L’agencement virevoltant des bulles dans la page amuse le lecteur au détriment du prince Edmond et contribue ainsi au plaisir qu’on prend aux dialogues, formulés dans un langage familier accordé à chaque situation puisque lorsque le prince Edmond est sous l’eau, le langage devient « liquide ».

L’utilisation de la couleur étonne un peu par la place des teintes claires et joyeuses et on comprend dans Les lunettes, troisième histoire, ce qui explique cette présence importante du rose, qui donne à la vie « un goût de barbe à papa » ou celle du bleu ciel, azur infini où le protagoniste principal ne peut pas nager.

Ce prince Edmond d’Agnès Maupré, à contre-courant des princes de contes de fées, et pour qui elle a une grande tendresse, est vraiment très séduisant. Le récit se déploie en toute liberté et se joue des clichés habituels : ni fort, ni puissant, Edmond saisit avec naïveté les situations dans lesquelles l’autrice l’entraîne et le lecteur découvre avec lui où elle le mène par le bout du nez. Très drôle !