« Soixante secondes de papillon », vers emprunté à l’un des poèmes de Carl Norac est emblématique du recueil : fragilité du temps qui passe et légèreté de la nature ou l’inverse, impriment leur marque à cette poésie douce pour enfants ou non. Dans cet album, voisinent à parts inégales des textes modernes, majoritairement de Carl Norac (huit poèmes), Marc Baron ou Pierre Ducrozet (deux poèmes) et des textes d’auteurs classiques souvent mis à contribution (Charles d’Orléans, Verlaine ou Eluard). Ces derniers semblent un peu servir de caution à l’entreprise. C’est un peu regrettable parce que les textes de Norac, tout en mots murmurés, en évocations rapides, suscitent à la lecture et à l’écoute une émotion née des images. Texte à la première personne, poésie du regard, regard sur le monde, le poète est ainsi l’entremetteur, le passeur de ces mots-images créés. Les illustrations poursuivent le parti-pris des textes et on pourra voguer longuement sur « matin de rêve ». Vers quel rivage flotte le marin de la tasse ? Parfois les illustrations tissent entre elles au-delà des textes des appels : au réveil de « c’est comme ça la vie » ( Marc Baron), fenêtres ouvertes, répond, la fenêtre paisible, fermée de « entre les étoiles » ( Pierre Ducrozet). Les formes poétiques sont sages, vers courts le plus souvent rimés, ils habituent les jeunes oreilles à d’autres relations avec les mots. On peut en dire autant de la mise en musique, aimable, en demi-teintes. Les voix hommes et femmes permettent des variations dans l’écoute, tout comme quelques rythmes gentiment caribéens. En quelques pages, une initiation à plusieurs disciplines artistiques…

Danielle Bertrand