Sous les vagues

C’est l’été, plein soleil. Sur la plage arrive un petit garçon, quelques enfants jouent au ballon, l’ambiance est bon enfant. Très joyeux, le blondinet saute dans l’eau et rejoint, au loin, un deuxième petit garçon à peu près du même âge. On ne voit de lui que sa tête au-dessus d’une grosse bouée rouge. Entre les deux enfants commence un court dialogue où s’exprime la surprise du premier devant cette bouée qui signifie que le second ne sait pas nager. Il en déduit que ce garçon n’est pas très intéressant et s’en va fièrement en nageant.

Cette scène centrale est exprimée par de courtes vignettes superposées où les enfants face à face se regardent, se jaugent, se jugent. Peu de mots sont utilisés pour exprimer l’embarras du garçon à la bouée, discrètement rouge de malaise face à l’aisance insouciante du premier. Dans l’espace ouvert d’une double-page, on perçoit le désarroi du garçon à la bouée, isolé sur la page de droite ; sur celle de gauche, un bras, une jambe et des gouttes prouvent l’énergie fougueuse du premier.

C’est alors que le récit bascule. Seul avec lui-même, l’enfant se dissout littéralement dans son embarcation et la vue de la bouée seule à la surface de la mer suscite un certain malaise, une inquiétude. On le retrouve à la page suivante, transformé en poisson bouée, furetant au fond parmi les algues, et une épave de bateau. Le vert de la mer envahit les pages. L’enfant-poisson s’affranchit de la surface et le noir des hauts fonds gagne l’espace jusqu’à la lumière d’un hublot.

Nouvelle rupture. De retour sur la plage, une jeune femme se dore au soleil. C’est la maman du petit poisson. D’un seul coup, elle éprouve l’absence de son fils, et tout va très vite jusqu’à la révélation finale.

Un album aux illustrations sobres, au texte rare, rigoureusement construit dans sa narration. Les personnages, à peine évoqués mais très bien identifiés, laissent au lecteur une part de questionnement important : Quelle signification donner à l’échappée de l’enfant ? Tentation, tentative de suicide ou refuge dans l’imaginaire ? Au lecteur d’interpréter et de conclure ce beau livre plein d’humanité, qui vibre encore de questions et d’émotions une fois refermé.