Tempête dans la tête

« Je », le narrateur, est un jeune adolescent. Il nous parle de son enfance, période révolue qu’il envisage à la seconde personne : « C’est incroyable comme je t’ai oublié » (p. 28). Il lie cette transformation en « chenille peu ragoûtante » (p. 11) au passage d’un appartement à une nouvelle maison. Plus probablement – il le sent –, cette cassure est venue insidieusement, de ses difficiles relations avec un père hyper-autoritaire, ancien résistant qu’il admire, et une mère absente. Enfant sage, il ne s’est pas posé de questions ; adolescent solitaire et taciturne, il subit. Chaque chapitre commence généralement par une remarque d’un proche, vexante ou non, à laquelle il accorde un (beaucoup trop) large crédit et qui le rend malade. Une de ces apostrophes est la qualification d’ « écorché vif » (p. 96), et pour une fois elle est pleinement justifiée : le narrateur est un garçon sensible de nature, observateur, introspectif. Mais ceci n’excuse pas cela, et le père a des paroles et des attitudes absolument terribles : « […] Tu articules mal ! Tu parles trop vite ! Comment ils ont pu te mettre premier en récitation ? » (p. 35). Fidèle, le jeune homme encaisse, se reproche amèrement la fameuse honte des parents (qui d’entre nous ne l’a pas vécue ne serait-ce que fugacement ?) : « Du coup, je reste avec l’autre honte. La pire. La honte d’avoir eu honte de toi. » (p. 58). Au bout de cette auto-dépréciation très noire, le répit intervient enfin, on entrevoit une échappée possible par le biais de la lecture : « Au moins, l’auteur, il me laisse entrer dans sa tête. » (p. 117). Conversation confuse avec soi-même, mélange de souvenirs précis et d’instants rattrapés, Tempête dans la tête mérite bien son titre, et notre lecture attentive, entre compassion et identification.