Tout ce qui conte

Comment donc se fabriquent les contes ? Se conservent-ils longtemps ? De quelle manière ?

Imelda est gardienne du temple des contes ; elle protège les objets magiques, symboliques, du temps qui passe et de la dégradation. Mais les prête aussi à qui veut conter. Las, les objets inanimés reposent sur leurs étagères, et Imelda ne voit rien venir. Alors elle imagine un stratagème pour faire revivre toutes ces histoires merveilleuses : il faut mettre ces objets symboliques dans les mains de ceux qui les ont entendus, il y a longtemps peut-être, mais qui s’en souviennent. Et alors, les contes renaîtront.

Inventaire, cabinet de curiosités extraites du cabinet des fées, dont la clé dorée sur la couverture nous interpelle, l’ouvrage fascine par la délicatesse et la préciosité des illustrations de Nicolas Lacombe, dont on reconnaît la géniale manière (voir son blog). Elle confère une apparente évanescence à ces objets enchantés, qui s’accorde avec l’effacement du conte.  La transparence du motif laisse aussi revenir le souvenir d’anciennes techniques d’impression, et l’intensité de cette évocation fait naître simultanément la référence au conte merveilleux et au XVII^e siècle.

Le choix de Thomas Scotto d’écrire le texte en alexandrins pourrait intimider ; plein de fraîcheur et de malice, il invite au contraire à la lecture à voix haute. L’inquiétude d’Imelda, gardienne du trésor, hésitant entre conservation et diffusion, ressemble à celle d’un bibliothécaire de livres anciens, coincé entre l’envie de partager et celle de protéger. Thomas Scotto imagine son cheminement, au fil d’un texte au rythme envoûtant, semé çà et là de vignettes illustrées assorties d’une définition facétieuse comme une devinette, brodée comme un haïku.

Page à page, lentement, laissons les images ressusciter les contes et leur magie, grâce à ce très bel ouvrage baroque, écoutons son message : ne laissons pas disparaître les contes, et grâce à deux auteurs artistes et poètes à l’imaginaire nourri de merveilleux, retrouvons-les, disons-les, pour charmer, et pour rêver.