Une ombre

Sur la page blanche, une ombre. Elle est belle, et aussi grande, comme le note le narrateur externe. On devine l’arbre solide qui la génère. L’ombre attire, accueille l’ours et le renard. Puis la girafe, le lion, le raton laveur, le singe… toute une arche de Noé trouve sa place dans l’ombre. Seule la tortue reste un peu à l’écart au soleil, observatrice sous sa carapace protectrice.

Et il se passe bien quelque chose, car l’ombre rétrécit. Les animaux se tassent davantage au fil des heures qui passent, jusqu’à grimper l’un sur l’autre en se souciant plus ou moins du poids de chacun. Et puis il est midi : plus aucune ombre, le soleil brûle.

Le lecteur va alors comprendre, en un dessin, quelle scène estivale et enfantine se jouait dans la réalité. Mais rien n’est perdu pour notre ménagerie car l’arbre n’est pas qu’un tronc, il peut avoir des feuilles au gré de l’imaginaire…

Je ne voudrais pas révéler le secret de cet ouvrage aux allures toutes simples et pourtant si riche. La notion de perspective en dessin, le phénomène physique de l’ombre, la puissance du jeu et de la fiction, l’humour par l’image et non par les mots… Seung-Yeon Chae a parfaitement pensé et exécuté son premier album, tant et si bien qu’il a reçu la mention spéciale du prix Ragazzi Opera Prima de la Foire du livre de Bologne 2019. Un noir et blanc et gris (les ombres !) indispensable dès 3 ans.