Le cœur est un muscle fragile

Simon Peretti a quinze ans et demi, deux meilleurs amis, un amour secret et un compte Facebook aussi, sur lequel sa vie bascule en quelques secondes de la popularité à la vindicte du peuple collégien. En effet, tout le monde a cru que Simon était le copain de Thelma, une légende vivante de la rue et de Bagnolet. Mais la rumeur était infondée, et quelques filles, ruminant déjà depuis plusieurs années une vengeance pour d’obscures raisons, vont se retourner contre Simon. Que faire ? Comment réagir quand tout le monde vous lâche, effaçant des années de classes partagées ? Simon oscille, bougonne, accuse ses parents et son père trop âgé qu’on prenait autrefois pour son grand-père. Mais la vie continue, avec ou sans smartphone, avec ou sans alcool, avec ou sans Erik Satie (le compositeur est le seul point commun entre Simon et son père).

D’une petite écriture nerveuse, Brigitte Smadja reconstitue le cœur et les pensées d’un adolescent d’aujourd’hui, usant du discours indirect libre jusqu’à nous perdre dans l’âme, un chouïa hypocrite, de son héros. Par le biais de ses amis d’enfance Léonard et Nessim, le va-et-vient entre les souvenirs de Simon et son présent compliqué paraissent naturels, reconstituant peu à peu une vie du XXIème siècle. On appréciera l’ambiance banlieusarde, et tous les personnages secondaires bien campés, de la mère dépassée par son « p’tit loup » à Nessim le cinéphile un peu plus lucide que les autres. Simon lui-même n’est pas franchement sympathique, juste tellement représentatif des errements du cœur (ado ou adulte, pour le coup) qu’il en devient drôle. L’auteure en profite aussi pour poser quelques questions pertinentes sur les réseaux sociaux, l’importance de l’apparence et du groupe, etc. Les modalités changent, mais pas la cruauté de l’adolescence, ici reconstituée sans fards.