Kotori, le chant du moineau

« Il y a fort longtemps dans la campagne japonaise, vivait un vieillard honnête et travailleur du nom de Yûjirô. » Alors qu’il ramasse du bois dans la forêt afin de faire des fagots, il découvre au pied d’un arbre un moineau blessé. Le vieil homme le recueille et le ramène à la maison pour le soigner, ce qui n’enchante guère son épouse.

Un jour que, poussé par la faim, Kotori - c’est ainsi que le vieillard a baptisé l’oiseau - picore de la fécule de riz qui séchait dehors, la vieille femme, jalouse de l’intérêt et des soins que portés au moineau, profite de l’absence de son mari pour punir l’animal : elle lui coupe la langue. Kotori parvient toutefois à lui échapper et à s’envoler!

A son retour, apprenant de la bouche même de sa femme, la blessure infligée à l’oiseau, le vieillard profondément attristé se met à la recherche de l’oiseau. Afin de retrouver son ami à plumes, le vieil homme devra subir plusieurs épreuves au terme desquelles une surprise l’attendra…

Avec cet album, Samantha Bailly propose à ses jeunes lecteurs une adaptation d’un conte japonais écrit entre le XIIème et le XIVème siècle. Du fait d’un rythme narratif progressif et haletant, d’un vocabulaire recherché et varié, l’auteure met non seulement en exergue les étapes clés du conte, mais également les caractères antinomiques des personnages principaux. A la générosité et à la gentillesse du vieillard viennent ainsi s’opposer l’aigreur et la cruauté de son épouse. Toutefois le choix d’une fin heureuse donnée à ce récit vient nuancer les descriptions stéréotypées des personnages du conte traditionnel initial, et complexifie, en même temps qu’elle l’enrichit, leur portrait psychologique.

Quant aux illustrations de la dessinatrice japonaise Shigatsuya, elles nous plongent dans un imaginaire riche et raffiné. Chaque planche témoigne d’un travail autour des plans et de la lumière afin de justement mettre en image les personnalités opposées des protagonistes de l’histoire. Comme le texte qui oscille entre noirceur et optimisme, les dessins réalisés sont tantôt sombres, tantôt lumineux. Tout comme le texte qui modernise le contre traditionnel par une fin heureuse, les dessins de Shigatsuya le dépoussièrent par des coups de crayons renvoyant très clairement à l’univers des mangas.
Le jeune lecteur trouvera en outre un dossier documentaire placé en appendice du livre concernant les réécritures successives du conte traditionnel d’origine ainsi qu’un glossaire sur l’univers merveilleux japonais. Ont été également ajoutées des esquisses de l’illustratrice.

L’intérêt de cet album réside, on l’aura compris, dans le fait qu’il crée des liens entre littérature patrimoniale (ce texte rappelle d’ailleurs le conte européen de Charles Perrault Les fées) et littérature jeunesse contemporaine : scénariste et illustratrice, pour le réaliser, ont fait chacune preuve d’un style empreint de leur sensibilité, de leur imagination et de leur époque. Un album donc très prometteur !