Eden en sursis

Cléone Cartel est une jeune fille de 15 ans, habituée à prendre sa vie en main. Orpheline à l’âge de 11 ans, elle a été élevée par Draco, l’Intelligence Artificielle du vieux vaisseau familial, le Quetzal, dont elle est à présent le capitaine. Elle travaille d’arrache-pied pour passer le permis qui lui donnera le droit d’explorer les territoires hors système afin de gagner davantage d’argent. Le chemin spatial est parfois parsemé de météorites dérivants et l’un eux déchire la voile solaire du vaisseau. En faisant l’état des lieux, Léone découvre une capsule portant le logo de la plus grande multispatiale DeltaGen, à la réputation sulfureuse. A l’intérieur, gît un jeune homme inconscient. Léone ignore les conseils de Draco qui s’oppose fermement au sauvetage et recueille l’inconnu. Il se nomme Eana Arusha et il est membre de la vaste famille qui contrôle DeltaGen. Ses parents et lui se rendaient sur EdeN, une planète encore protégée par son statut Ecol, à laquelle s’intéresse de près l’une des filiales de DeltaGen. Le vaisseau a été attaqué, les parents d’Eara sont morts. Cléone comprend qu’elle s’est fourrée dans un beau guêpier. Mais elle est désormais liée au jeune homme, au grand dam de Draco. C’est pour elle le début d’une aventure périlleuse qui va la mener sur EdeN, une planète mystérieuse, envoûtante et pleine de richesses encore inexploitées, dont la faune et la flore sont étranges, presque poétiques, convoitée par la terrible DeltaGen. Aidée par Philippe, un ami exobiologiste, elle doit affronter un complot d’échelle planétaire et se frotter aux multiples tentacules de la très puissante multispatiale. Draco n’a pas fini de se faire du souci …
Jeanne Debats signe là un premier roman pour adolescents très réussi. Dans un style enlevé et pétillant d’humour, elle maîtrise un récit riche en péripéties, en découvertes, nous entraînant dans le sillage de sa jeune héroïne, à la découverte d’un monde encore préservé. Son message écologique est évident : si on laisse l’argent et la quête impitoyable du profit mener le monde, notre terre n’existera plus. Est-ce de la science-fiction ? Presque plus car, à bien des égards, la société fictive qu’imagine l’auteure ressemble à celles qui existent sur notre terre, qui n’ont pas d’égards pour l’humain et le vivant, ne pensant qu’à amasser des bénéfices pour une minorité de nantis. Le roman est porté par le personnage de Cléone, déterminée malgré son inexpérience de la vie puisqu’elle a vécu ses premières années dans le milieu confiné et protégé de son vaisseau, rebelle et vivante. Les deux personnages masculins, Philippe le scientifique et Eana l’héritier sont également intéressants, qui doivent composer avec leurs éducations très différentes et avec leurs convictions. Quant à Draco, l’IA du Quetzal, sorte de père/mère adoptif/ve de Cléone, dont les préoccupations sont essentiellement éducatives, il est irrésistible et paradoxal, en tant que machine aux préoccupations humaines. Les dialogues entre Cléone et lui sont particulièrement réussis.
Ce n’est pas l’originalité du thème qui prime dans ce bon roman, car l’écologie est au centre de beaucoup de romans de SF, mais plutôt la manière enlevée dont J. Debats raconte son histoire, la tendresse qu’elle a pour son personnage féminin, une sacrée fille, et la manière dont elle sait happer ses lecteurs ! Et puis toutes les références au cinéma, à la littérature que les experts s’amuseront à relever …
Jeanne-A Debats avait publié chez Griffe d’encre en 2008 un premier texte avant celui-ci : La vieille Anglaise et le continent, nouvelle très remarquée dans le petit monde de la SF, qui traite également d’écologie et de la sauvegarde des grands mammifères marins.
L’enfant-satellite est son nouveau roman, sorti fin janvier 2010, dans la nouvelle collection Mini Syros Soon.