Marion du Faouët ou la révolte des gueux

Début du XVIIIème siècle, Bretagne. La toute jeune Marion quitte son emploi de domestique à Lorient, et repart chez sa mère au village du Faouët. Là, elle n’accepte plus l’extrême dénuement des paysans : Marion veut devenir riche, pour elle, bientôt pour son mari et son enfant. Intelligente, sans scrupules puisqu’elle défend des idées d’égalité, elle commence bientôt à voler, aidée de quelques amis. La petite entreprise va prendre de l’ampleur, et en même temps de la dangerosité… Marion finira sa vie tôt, pendue à Quimper.
Margot Bruyère avait déjà publié en 1996 une biographie jeunesse de Marion du Faouët, chez un petit éditeur breton. La dame semble donc la passionner, et il faut dire qu’il y a de quoi. En un temps où les femmes restaient derrière un père puis un mari, Marion Finefont (fine au fond, rusée) a su, par son charme et son intelligence, mobiliser plusieurs centaines d’hommes derrière elle et louvoyer entre les filets de la police pendant quinze ans. A l’instar d’un Cartouche, un Mandrin ou un Robin des Bois, elle voulait d’abord rendre justice aux pauvres, et profiter, elle aussi, du confort de la richesse. Ce faisant, sa vie éclaire toute la période pré-révolutionnaire : misère d’un petit peuple exténué par les famines et les maladies, exploitation de ce malheur par les gens aisés, importance d’une religion catholique pas forcément juste… tous ces points sociétaux sont rendus avec la précision de la vie quotidienne. Le récit passionnant d’un narrateur externe s’attarde évidemment seulement sur quelques passages de la vie de la jeune femme, signifiants pour le récit ou sûrs historiquement. Mais le lecteur a largement le temps de découvrir la rudesse de son monde, et définitivement, de prendre son parti. Peut-être aurait-il été intéressant de glisser, ne serait-ce que dans le petit dossier final ou dans une des notes de bas de page, quelques éléments sur le rôle de ces mouvements dans l’arrivée de la Révolution Française. Mais on chipote, car Marion se suffit à elle-même et, selon toute vraisemblance, n’a jamais pensé plus loin que sa Bretagne, ni que le lendemain d’ailleurs. Un roman qui se lit facilement, et dont on ressort avec un bout de connaissance en plus sur l’histoire de France.