Tous les matelots n’aiment pas l’eau

La guerre est déclarée. Arthémus, jeune dessinateur, est mobilisé. Il embarque pour l’Asie. La tristesse d’avoir laissé sa fiancée au port, l’attente d’un ennemi invisible, la promiscuité entre soldats, la peur de l’eau se mêlent dans l’esprit de ce personnage hyper sensible. En proie aux hallucinations, il s’éloigne petit à petit de la réalité. Lors d’une escale, un soldat l’entraîne dans une fumerie d’opium. Arthémus sombre bel et bien dans la folie, et nous entraîne dans ses délires. La chute suggère que tout cela n’était qu’un rêve, puisqu’on retrouve Arthémus au lit avec sa fiancée. Mais les dernières images s’évadent à nouveau dans l’imaginaire.

Cette bande dessinée est originale à plus d’un titre. Le petit format et le noir et blanc font penser au manga. Le récit est totalement déstructuré, le lecteur ne sait jamais s’il est dans le réel, le rêve ou l’hallucination. Il perçoit tout à travers l’esprit du héros, esprit d’artiste aux sens et aux impressions exacerbés par la guerre.
Le ton général est très sombre, on y évoque la folie, la mort, le suicide, le meurtre, la guerre, la drogue, la prostitution sous des traits noirs assez durs. Le personnage d’Arthémus, attachant par la poésie et la faiblesse qui se dégagent de sa folie, adoucit heureusement un peu l’atmosphère.

Le lecteur qui acceptera de jouer le jeu, sans chercher les frontières du réel et de l’imaginaire ou une unité temporelle pénétrera dans un univers riche, au graphisme irréprochable, plein d’ingéniosité et de verve. Cependant, le lecteur non-averti, rebuté par la forme du récit se sentira malmené, voire méprisé.