Le Roman de Noémie

Lily est en terminale en banlieue parisienne. Elle correspond par Internet avec son petit ami parti au Canada. Sa vie d’adolescente dans une famille brouillonne mais joyeuse est perturbée par le cadeau posthume de son arrière-grand-mère Noémie : des tous petits carnets vierges avec seulement une année écrite à la plume sur la couverture, de 1917 à 1981. Mémé Nono la Bretonne savait que Lily tenait un journal intime, et a voulu créer une complicité entre elles. Un seul problème : elle était analphabète… Lily veut savoir. Elle interroge ses proches, se réfère à ses expériences personnelles ou celles des autres, et remonte les fils de la mémoire familiale enfouie. Elle imagine, dans de longs messages à son petit ami, la vie de son aïeule à partir des quelques éléments qu’elle glane. Après une jeunesse difficile, mémé Nono épouse un homme qu’elle n’a pas vraiment choisi et devient bientôt veuve. Ses quelques joies, comme la rencontre avec une Juive parisienne, sont coupées par le destin. Résistante en 1939-1945, elle est arrêtée, torturée, et sauvée par son meilleur ami, peut-être son amant. La fin du roman est marquée par les retrouvailles de Lily et son petit ami.

Le Roman de Noémie est un troisième et dernier tome sur l’adolescence, avec pour personnage central Lily. Il constitue un chassé-croisé entre le passé et le présent, pour construire un futur, celui de Lily justement. . Nous sommes dans le contexte du baccalauréat, dernier rite de passage en Occident. La jeune fille, après avoir trouvé « l’homme de [s]a vie » (p. 137), a besoin de s’approprier ses racines pour aborder la vie adulte. Les carnets de mémé Nono tombent à pic, agissant comme un véritable travail involontaire de psychanalyse sur Lily. Lily la narratrice invente, idéalise la vie de son ancêtre. Cette reconstruction se fait dans la conscience du contraste entre leurs deux parcours (« J’avais de la chance. J’aimais le garçon qui m’aimait. J’étais née dans un pays libre, dans une famille aisée, à une époque où il n’y avait pas de guerre, j’avais la possibilité de faire des études. […] Dans sa jeunesse, Noémie, elle, n’avait pas eu de chance. » p. 81). A partir de là, Lily évolue, devient plus mature et trouve des repères, au moins par défaut, quant à son avenir.

Le thème principal est évidemment celui de la mémoire. L’auteur a eu la finesse de ne pas se baser exclusivement sur le passé de résistante de mémé Nono (on serait alors passé dans l’inconscient collectif, touchant certes, mais moins personnel). Elle fait intervenir l’analphabétisme de l’aïeule, procédé qui montre habilement que le souvenir n’a pas forcément besoin de support écrit, et que des objets, des peintures ou des photos, en jouent très bien le rôle. La parole aussi, quoique qu’elle soit moins percutante : trois générations ont passé avant que quelqu’un revienne sur le passé de mémé Nono. Famille, mémoire… quels sujets riches, finement exploités ici. Gageons que nous avons tous une mémé Nono dans nos placards…