La Môme aux oiseaux

Voici un pur moment de poésie et d’émotion. On connaissait Henri Meunier « rigolard » à souhait, sachant manier avec une perfection graphique non négligeable, les comptines et les ritournelles. On s’aperçoit avec ce grand album que l’auteur et illustrateur est aussi poète. Jouant sur la symbolique des oiseaux, entre envol et liberté, l’auteur met en scène un jeune garçon observant une jeune fille, mi-mystérieuse mi-magicienne, qui a le don de libérer des volatiles de son imagination et de ses humeurs. Mais le jeune garçon, narrateur à distance, n’ose pas aborder la jeune fille, ne trouve pas ses mots, trop lourd de silence. Le don qu’ils pourront imaginer ensemble sera comme un secret intime et une grande leçon de vie.

Régis Lejonc (avec l’aide complice d’Antoine) a su à merveille capter la poésie et le mystère de ce texte. Parfois, ces images sont floues, comme derrière une vitre. D’autre fois, en double page, elles deviennent fluides, comme traversées de couleur et de matière. Entre temps, Régis Lejonc casse le rythme et l’enchaînement, en disposant, là un dessin d’enfant, ici, deux images aux couleurs très marquées (ainsi en milieu de volume l’image d’un ciel bleu-blanc répondant à un portrait d’enfant comme éclairé à la bougie). Un travail d’expert voir d’orfèvre comme pour mieux suggérer les rêves du jeune narrateur.

On retiendra cet album pour longtemps, traversé par le souvenir des images et la mémoire des mots. On se souviendra certainement de ces mots « non dits », de ces mots trop lourds à porter ou à exprimer et l’on pourra expérimenter à souhait leur pouvoir, comme pour mieux libérer notre imagination et certainement nos manières d’être ensemble. Un très bel album à vite se procurer.