Glaise

De l’avis de la bande de Davie, Stephen Rose, le nouveau venu, est complètement fou : solitaire, illuminé, il vit chez Mary la folle, sa tante, et sculpte de la glaise. Se l’allier est une bonne façon de faire peur au gros Mouldy, leur ennemi de toujours. Seulement, Stephen Rose est plus compliqué qu’il n’y paraît, et Davie se retrouve bientôt son seul ami, pour le… meilleur ou le pire ?
C’est rétrospectivement que le narrateur Davie nous raconte son expérience avec Stephen Rose, comme pour mieux y croire, démêler le réel du fantastique ou fantasmé. Bien souvent, les faits relatés sont plus ou moins anodins ; on attend un basculement, mais ils participent simplement de l’atmosphère du roman, à la fois déroutante, envoûtante et effrayante : c’est une marque de fabrique de David Almond. Et puis, dans la deuxième partie (elles vont crescendo dans l’angoisse), à partir du moment où Stephen Rose entraîne Davie dans la grotte pour donner vie à une créature de glaise, tout s’accélère, et le lecteur aura beau jeu de chercher à attraper le sens des événements. Tout juste parvient-on à saisir des bribes du passé difficile de Stephen, qui pourraient expliquer son déséquilibre actuel, sa volonté de maîtriser la vie. Car le sujet est profond : il s’agit ni plus ni moins de l’éternelle question de la création, du pouvoir de l’homme sur la matière, des liens que l’être humain entretient avec la religion, la science. On pense évidemment à la légende juive du Golem. La fin est rapide, abrupte : l’auteur a achevé son conte et nous laisse malicieusement avec nos interrogations, nos peurs. Doué, à rapprocher du plus simple mais tout aussi onirique Jeu de la mort du même auteur (Gallimard, 2003).