Sans foi ni loi

Garrett, fils d’un pasteur rigide et violent, est pris en otage par Abigaïl Stenson, une hors-la-loi au grand coeur caché sous une nécessaire carapace. Avec un joli butin de billets de banque, ils fuient direction le Wyoming et la petite Pearl, fille de Stenson. Bien vite, Ab n’a plus besoin de surveiller Garrett, qui la considère un peu comme son mentor. Une drôle de complicité naît entre les deux cavaliers. Arrivés dans le Wyoming, Garrett se lie avec la prostituée Jenny, qui connaît Ab depuis l’enfance. Il devient aussi ami avec un Indien, apprend à tirer au pistolet, bref découvre la vie du Grand Ouest. Les jours passent. Mais Ab n’est pas faite pour la sédentarité…

C’est Garrett qui raconte au passé les événements qui ont changé radicalement le cours de sa vie et l’ont fait basculer à l’âge adulte. A travers lui, nous suivons les passages obligés de tout roman du Far West : le lien avec la nature et les chevaux, le saloon et le bordel, la religion et la justice qui peinent à s’imposer, les coups de feu et les morts, l’extermination honteuse des Indiens, et même l’arrachage de dents rudimentaire ! Garrett parle de souvenirs d’enfance et d’un apprentissage dont il a conscience, mais il observe aussi beaucoup et se comporte parfois comme un narrateur omniscient.

Le sentir décrypter les pensées d’Abigaïl pourrait être perturbant, mais l’effet est naturel, car Marion Brunet sait mener son intrigue d’une écriture sèche et claquante comme des éperons. Entre lenteurs et accélérations, et souvent en creux car Ab n’est pas de toutes les scènes, un beau portrait de femme libre s’esquisse. La fin le montrera cruellement : Ab dérangeait essentiellement parce qu’elle ne tenait pas sa place de femme soumise dans un monde d'hommes. J’ai beaucoup aimé et j’ai eu envie de relire, dans un tout autre style, Pépites d’Anne-Laure Bondoux (Bayard jeunesse, 2005).