Tout ce que j'aime

Tout ce que j’aime : quel titre alléchant ! Tout comme l’illustration reproduite en couverture, qui se déplie pour présenter une petite ribambelle d’enfants qui avance dans la rivière d’un pas allègre et conquérant^[1]. Une belle image de l’enfance.

Lorsqu’on ouvre ce livre, on découvre une succession de scènes de genre introduites par la reproduction d’une photo sur la page de gauche comme dans l’un de ces anciens albums, et sa mise en situation sur la page de droite. Le texte figure sous l’image de la photo ; sur la première, une petite fille est devant le carreau de sa fenêtre d’où elle observe le monde. Page après page, la fillette énumère tout ce qu’elle aime « le plus au monde », un catalogue des plaisirs de la vie imaginé par l’auteure Irlandaise Mary Murphy.

Le chat qui arpente la première double-page en y laissant ses empreintes pourrait être la signature de Zhu Chengliang, le peintre qui imagine ce monde-là. L’illustration est si foisonnante, si captivante qu’un temps de découverte silencieuse s’imposera. Zhu Chengliang utilise l’aquarelle pour dessiner un monde doux où les couleurs vives sont tempérées par la dilution. Il en résulte un effet estompé, évocateur d’un monde rêvé, qui nous saisit justement au premier coup d’œil sur la couverture. N’est-ce pas l’objectif de cet album que de faire rêver ses petits lecteurs et lectrices ? La mise en images en est l'expression : quel joli petit monde, avec ces enfants décidés, libres et joyeux, leurs vêtements gais et colorés comme des fleurs du printemps qui s’invite dès les premiers contreplats ! La contemplation est aussi un mode de lecture et d’appréhension des récits.

Mais le texte ne se laisse pas oublier pour autant. Chaque moment évoqué par Marie Murphy est un instantané de bonheur : la bonne confiture de Mamie, ces chaussures qui clignotent gaiement, l’animation autour de la rivière. Et comme pour marquer leur caractère essentiel, l’enfant, sous la plume de l’auteure, termine son paragraphe par la projection de l’avenir de cette image-photo, collée dans l’album des souvenirs : il faudra bien profiter de la dernière cuillérée de  confiture d’abricot, bien profiter du beau rouge de ce crayon qui s’use, de la lecture de ce livre qui sera peut-être moins intéressant « quand je serai grande »… Un brin de nostalgie s’invite entre les lignes, comme l’anticipation d’un regret, tempérée par une conclusion définitive et passionnée.

À la lecture, l’enfant peut avoir envie de commenter le choix et d’ajouter ses propres références. L’album sera alors une occasion de raconter à son tour, trouver les mots, construire les phrases, expliquer ses raisons : apprendre à utiliser la langue, car tout y est prétexte, y compris la foule de détails incorporés aux tableaux de vie par le merveilleux Zhu Chengliang.

Quelle belle alchimie que cet album-ci, grâce au talent respectif des deux auteurs ! De nombreux livres méritent ainsi d’être proposés à une découverte autonome, puis partagés par la lecture et l’échange. Et celui-là n’a pas fini de faire causer !

[1] On relira La chasse à l’ours de Michael Rosen et Helen Oxenbury, une autre belle escapade en bottes et imperméable !