AMOURs

Dans une décharge de fin du monde sont éparpillés des objets de toute sorte, au rebut, abandonnés, cassés, éventrés, oubliés. Au milieu de tout ce fatras subsistent les couleurs qui animent l’espace en soulignant ses reliefs : de grandes briques de béton qui forment un ensemble de continents et des icebergs flottant au milieu de la mer de l’abandon. L’ensemble fait monde. Un imagier de la désolation.

Là, comme partout, deux tribus s’affrontent : les Comanches et les Sanmanches. Le jeu de mots subtil, sur une étymologie factice, fait naître le communautarisme jusque dans le dénuement total ; preuve s’il en est que Michel Galvin désespère peut-être, mais qu’il utilise l’humour pour faire grincer le désespoir…

Dans le texte l’artiste nous présente Roger le vieux pneu et Léon le bidon son disciple, deux Roméo sans manche ni couronne, qui tressent des poèmes pour deux belles Juliette inatteignables, se heurtant sur le terrain à d’autres couplets de quolibets rimant de méchanceté. Sur l’image, le lecteur, la lectrice, voient apparaître un, puis deux manchots errant au milieu du désordre de riens. Petites silhouettes agiles, le nez en l’air, ils explorent les lieux et finissent par se rencontrer. Dès lors le monde s’anime de leurs facéties, ils jouent avec les objets épars et leur rendent une âme, pendant que l’auteur continue de souffler les poèmes de Léon et Roger et leurs espoirs désenchantés. La neige qui tombe recouvre cet univers triste d’un manteau crémeux qui glace les pavés comme autant de gâteaux de fête. Et sur ce glaçage, les deux acolytes en smoking d’hiver s’ingénient à créer d’artistiques pyramides faites de tous ces objets par eux récupérés : une nouvelle ode s’écrit en images, sous le pinceau malicieux de Michel Galvin ; rien ne se perd, tout se transforme… Une fantaisie mélancolique où texte et dessin racontent deux histoires qui finiront peut-être par se rejoindre quand même.