Sophie Germain : la femme cachée des mathématiques

Connaissez-vous Sophie Germain ? Non ? Vous faites donc partie des nombreuses personnes qui sont passées à côté d’une mathématicienne brillante. Sylvie Dodeller s’est intéressée au parcours de cette femme, née en 1776 et décédée en 1831, dans un style moderne, émaillé d’expressions issues de nos pratiques numériques – on y croise le terme de droit à l’image ou encore « La Terreur 2.0 sous votre nez ! »

Sophie Germain grandit pendant la Révolution : maintes fois, c’est sous ses propres fenêtres et dans la rue qu’elle assiste à des soulèvements populaires, voit des têtes juchées sur des piques, évite des flaques de sang sur la chaussée. Elle préfère alors retrouver son calme et s’isoler du tumulte en étudiant les mathématiques.

Mais d’où lui vient cette passion, peu commune pour une femme au dix-huitième siècle ? En réalité, elle découvre cette discipline par hasard, dans la bibliothèque de son père. Elle commence par résoudre des exercices à partir d’un manuel en cinq volumes, se met à lire Euler, Newton, Leibnitz. Elle fréquente également assidûment la librairie spécialisée à Paris. Le contexte culturel dans lequel elle évolue l’oblige à accepter d’être autodidacte : les mathématiques et les sciences ne sont à cette époque pas faits pour les cerveaux de ces petites choses que sont les femmes. Les ouvrages sont publiés en latin ? Qu’à cela ne tienne, elle va l’apprendre et, encore une fois, toute seule ! Les filles n’entrent pas à Polytechnique ? Elle trouve un moyen pour suivre les cours, malgré tout. Elle rencontrera ainsi les grands mathématiciens de son temps. Pourtant, qui connaît Sophie Germain aujourd’hui ?

On aurait pu s’attendre à un récit historique rébarbatif, mêlant événements politiques d’une période troublée et théories mathématiques complexes. Or la journaliste et romancière Sylvie Dodeller sait recourir à un style vif et moderne qui débouche sur un ton dynamique et nous donne à voir toute la modernité de la démarche de notre héroïne. Elle met aussi en parallèle des scientifiques contemporaines, elles aussi oubliées, éclipsées ou spoliées de leurs découvertes, conférant une tournure féministe à son propos.

C’est une biographie agréable à lire, intelligente. Deux postfaces permettent de comprendre le travail de la biographe ainsi que l’accueil réservé au livre à sa parution au printemps 2020. Une annexe présente succinctement le théorème de Fermat.