Tu te rappelles ?

Deux paires de pieds, l’une grande, l’autre petite, dépassent de la couette. Une mère et son fils partagent des souvenirs. Un pique-nique en compagnie du papa, une cueillette de framboises juteuses. Un vélo rouge. Un orage, la lampe à pétrole du grand-papa. Puis un jour de déménagement, les cartons à empaqueter dans la voiture, le père qui les regarde partir en faisant signe de la main. Un nouvel appartement, les cartons encore intacts, le vélo rouge, la lampe à pétrole. Le soleil qui se lève sur ce tout premier matin dans un lieu inconnu, dans lequel la mère et son fils construiront d’autres souvenirs. 

L’album parle avec pudeur de la force des souvenirs heureux lorsque les circonstances extérieures perdent de leur stabilité. Lauréat du prix Hans Christian Andersen en 2024, l’auteur-illustrateur Sydney Smith parvient à évoquer de grandes émotions à partir d’instants apparemment anodins. Le flou et la netteté, le silence et la parole, l’attente et l’action sont dosés avec une profonde justesse. Quant à la luminosité qui se dégage de ses peintures... quelle beauté. D’une infinie douceur, les illustrations font danser le passé et le présent dans une alternance de doubles pages et de vignettes. Les regards de la mère et du fils se croisent, complices, tout comme le dialogue qui alterne les couleurs selon l’interlocuteur. On ne saura rien des raisons du départ, mais la lecture laisse présager que les protagonistes évolueront avec confiance dans ce nouveau chapitre grâce à l’ancrage que leur apportent ces moments tant chéris.