Bleu passion

Italie, XVe siècle. La jeune Giulia, née d'une mère couturière rapidement décédée et d'un père noble, a eu l'autorisation de vivre au château plutôt agréablement, entre domesticité et visites à son ami l'astrologue. L'horoscope de Giulia, payée à grands frais à sa naissance, lui prédit une existence solitaire. La jeune fille se souhaite un autre avenir, celui d'une femme mariée avec des enfants. Alors, lorsque son père disparaît et que la comtesse l'envoie au couvent, elle se rebiffe, prête à tout, et même à la sorcellerie, pour épouser un homme. Cependant, l'existence au couvent s'avère moins pénible qu'elle ne le pensait. Douée en dessin, elle a la chance de participer à l'atelier de peinture de l'établissement, tenue par une maîtresse femme et dont la renommée dépasse la région. Un « bleu passion » au secret jalousement gardé est la marque de fabrique de l'atelier. Passionnée, Giulia se voit déjà peintre en titre, mais toujours au-delà des murs du couvent...

A travers l'héroïne, suivie par un narrateur externe attentif, c'est à la fois une fiction aventureuse malgré son lieu clos et une période historique au carcan déjoué qui se déploient. Oie blanche pourtant talentueuse, Giulia va se laisser berner par un beau parleur, quitte à perdre sa dignité, et tout ce qu'elle aime. Cela donnera évidemment une tragédie tumultueuse, et fournira un prétexte par repoussoir afin de montrer les voies (elles aussi tortueuses mais réelles) de l'indépendance féminine à cette époque de domination masculine. Victoria Strauss est visiblement éprise de son sujet, détaillant les techniques de peinture artisanales, noircissant les relations entre ces religieuses et leurs familles pour mieux souligner leur force d'âme. D'une écriture liante, elle romance sans trahir les réalités de l'Histoire, et rend avec finesse la trajectoire d'une jeune fille à qui rien ou presque n'a été donné, et qui construit son destin peu à peu, en apprenant par l'erreur. Un roman superbement convaincu et convaincant.