Butterfly
L'avis de Ricochet
Avant tout, Yusra Mardini est une athlète championne de natation, comme l'idole de son enfance, Michael Phelps. Sélectionnée pour les Jeux olympiques de Rio de Janeiro en 2016, elle appartient à la nouvelle équipe olympique d’athlètes réfugiés. Luttant contre le sentiment humiliant d’être choisie à cause de son statut politique, la jeune fille qui n’a alors que dix-huit ans, accepte cependant cette célébrité particulière. Dans ce livre, elle raconte ce qui l’a conduite à ce choix.
Dans ce gros livre passionnant, Yusra raconte son enfance à Damas, en Syrie. Son père, ancien nageur sélectionné pour représenter son pays, est devenu coach de natation. Il décide d’entraîner ses filles, qui apprennent à nager avant de marcher. Les deux enfants ont du caractère, tout en étant très différentes. L’aînée Sara est plutôt extravertie, rebelle, frondeuse. Elle se dispute violemment avec ce père qui veut la soumettre et l’astreint à des exercices au cours desquels elle se blesse gravement. Curieusement, Yusra quant à elle évoque peu la férocité de cet entraînement ; elle se plie à la nécessité de l’absolu en matière de réussite ; rien n’est superflu, rien n’est excessif, il semble que contrairement à Sara, elle se glisse dans le moule paternel et s’y ajuste.
Les filles grandissent. En 2011 la révolte populaire gronde en Syrie et l’armée installe son contrôle. La vie quotidienne est bouleversée, bientôt c’est la guerre civile. Malgré les difficultés, malgré l’exil du père, Yusra continue vaille que vaille l’entraînement, remporte des victoires. Le jour où une bombe tombe dans la piscine, la jeune championne renonce, vaincue par la peur de la mort. Lorsque Sara décide de quitter le pays pour rejoindre une amie et poursuivre ses études à Hanovre, Yusra se résout à partir avec elle. Bientôt, les deux sœurs affrontent les dangers de la route et l’épreuve de la traversée de la mer Egée entre la Turquie et la Grèce, où elles vont nager dans l’eau glacée pour guider le canot pendant plusieurs heures jusqu’à l’île de Lesbos.
La vie en Syrie est une vie du XXIe siècle, où les objets numériques, la communication via les réseaux sociaux, le téléphone portable et les appels internationaux rythment un quotidien où les filles arrêtent la natation à quinze ans et portent le hijab, ou pas. Yusra et Sara choisissent de ne pas le faire, et vont aussi partir à cause de ça. Elles vont fréquenter une amie qui sort danser, s’habille et se maquille ; traîner dans les souks avec des copains plus que des copines ; continuer à s’opposer au père. Ces quelques anecdotes semées ici ou là rappellent aussi le contexte culturel dans lequel évoluent les filles, et sans qu’il paraisse pesant, elles vont quand même s’en affranchir en quittant le pays.
La douleur de l’exil est aussi une constante du récit de Yusra. Sans cesse reviennent à elle les souvenirs des rues de Damas, les parfums de l’enfance, mais elle ne remet jamais en cause le choix qui l’a conduite en Allemagne avec Sara. Pourtant, dès son arrivée à Beyrouth, elle ressent l'humiliation liée à son nouveau statut : un réfugié, c’est un être soumis au mieux à la pitié, au pire au mépris. La violence sous le masque de la charité ou la violence des coups et de l’exploitation, des soldats et de la haine, sont les paramètres de sa nouvelle existence.
Heureusement, elle et sa sœur vont rencontrer au cours de leur périple et ensuite en Allemagne des gens qui vont les aider, les accompagner. Des réfugiés comme elles, des journalistes. Sans s’appesantir, Yusra raconte quand même la soif, la faim, l’épuisement et la peur aussi toujours présente. Accueillies à bras ouverts dans un Berlin alors acquis à la cause des réfugiés, elle rencontrera Sven, son coach dans le sport et dans la vie. Peu à peu, par la force de sa volonté, elle parviendra à ranimer son désir de conquérir le monde, celui de la natation, celui de la victoire, celui des Jeux olympiques.
Lorsque l’histoire incroyable de cette jeune nageuse entraîne la création d’une équipe d’athlètes réfugiés par le Comité international olympique, Yusra renâcle. Sa réussite ne peut pas être réduite à son statut politique, elle veut vaincre par la force de son talent. Pourtant, l’expérience, la maturité, le recul vont petit à petit l’aider à réaliser le formidable enjeu que représente la constitution de cette équipe si spéciale : montrer au monde qu’un réfugié n’est pas qu’un pauvre hère en mal de pitié, ni un prédateur dissimulé par la poussière du voyage. Chacun, chacune est un homme, une femme, un enfant qui réclame son droit à la vie et au bonheur : c’est ainsi que Yusra Mardini est devenue une femme, une nageuse reconnue et une militante pour la dignité et le respect de tous ceux qui sont contraints à l’exil.
Un récit qui se lit comme un roman, à mettre dans les mains de tous, et des adolescents en particulier.
Présentation par l'éditeur
Quand la fragile embarcation qui l’emmène loin de la Syrie en guerre commence à sombrer, Yusra Mardini, seize ans, refuse le terrible destin qui lui tend les bras. Impossible qu’une nageuse de son niveau, entraînée par un père si exigeant, finisse noyée comme tant d’autres ! Puisant au fond d’elle-même des forces insoupçonnées, elle se met à pousser avec sa sœur le canot rempli de réfugiés et