Cent visages

« Dans les environs d’Evry, France, année 2025. »

Cette courte phrase placée en exergue du premier chapitre de ce roman de Thomas Geha projette d’emblée le jeune lecteur dans une France à la fois étrangement familière et informatisée à outrance. Dans ce voyage vers le futur, Gregor, un adolescent de 15 ans, tient lieu de guide au lecteur.

Gregor est en effet un « réfrac » : parce qu’il a refusé de se soumettre à la biométrie, mesure imposée par le gouvernement du Président Sandre, il a perdu tous ses droits civiques. Il se voit donc contraint, à l’instar de milliers d’autres personnes, de vivre reclus dans un ghetto à la périphérie de Paris et de voler pour survivre. Or la faim, l’exclusion, la pauvreté ne sont pas les seules menaces auxquelles les « réfracs » doivent faire face quotidiennement. Leur ennemi n° 1 reste le criminel surnommé « Cent visages ». De mèche avec le Président Sandre, ce dernier a inventé une machine qui vole les vies des habitants des ghettos, afin d’attribuer une nouvelle identité à d’autres personnes. Avec cette arme provoquant des stigmates irréversibles et plongeant ses victimes dans un état végétatif prononcé, Cent Visages sème derrière lui terreur et consternation.

Alors qu’il est envoyé par sa mère adoptive Faustine dans un entrepôt pour subtiliser des vivres, Gregor tombe nez à nez avec ce criminel auquel il échappe grâce à Kouldec, militante dans la Capucine, une organisation clandestine contestataire du pouvoir en place.

D’abord dépassé par des luttes de pouvoir de politiques ou militaires assoiffés d’argent et de vengeance, Gregor apprendra très vite à déjouer les plans de personnages haut placés, malhonnêtes et malfaisants, afin de devenir seul maître de son destin !

Aucun temps mort n’est donc laissé au protagoniste, ni au jeune lecteur d’ailleurs ! Une chose que maîtrisent à la perfection les « réfracs », c’est la fuite. Gregor n’aura, de fait, de cesse de prendre ses jambes à son cou que ce soit à pied, en train ou en sous-marin, afin d’échapper à Cent Visages, qui le traque pour une raison qu’il ignore. Cette traque se traduit d’un point de vue narratif par un rythme effréné, scandé par de nombreux rebondissements et dévoilements. La succession de courts chapitres permet au lecteur de suivre une intrigue construite de manière subtile et cohérente. Page après page, il fait connaissance de personnages adultes, dont le passé commun explique un présent douloureux. Ce sont finalement les adolescents qui apportent une touche optimiste à ce thriller teinté de dystopie, par leur spontanéité, leur générosité et leur bonté.

Ce roman d’anticipation, outre un moment haletant de suspense, offre une réflexion sur la société actuelle ainsi que sur l’utilisation éthique des nouvelles technologies.