Charbon (T. 1). L'espoir

Sur la planète Charbon, dans un air irrespirable où l’oxygène a été remplacé par un gaz artificiel, le peuple s’active en souterrain pour faire fonctionner les machines qui extraient le combustible vendu aux autres planètes de la Galaxie. Aux commandes de ce navire infernal se trouve le tyrannique empereur Toxico, héritier de la dynastie des Toxico en place depuis un siècle. Il fut un temps pourtant où les arbres poussaient sur cette planète, mais même le vieux Kloups ne peut s’en souvenir. C’est alors que le jeune Apollo, fils de mineur, tombe par hasard sur une « feuille d’arbre » en nettoyant les galeries. Cette modeste trouvaille le conduit à un véritable paradis caché, au cœur même du palais impérial, mais dont il s’aperçoit vite qu’il n’est pas le seul à en connaître le secret.

Le fantastique rejoint ici la réalité : sous un ciel plombé par une lueur de fin du monde, la planète Charbon préfigure à sa façon le sort qui pourrait être réservé à la Terre si l’être humain persiste à exploiter les énergies fossiles. Mais plus largement, l’histoire parle de déshumanisation, dans une société devenue totalitaire où toute velléité de contestation est durement réprimée par un pouvoir aveugle et lointain. Dans ces conditions, les dernières traces d’une végétation oubliée apportent à la fois la lumière et l’espoir.

Michel Colline qui a travaillé comme dessinateur avec Fred Le Berre (Kuzdo en 2018, Manitas en 2014) signe cette fois le scénario avec deux parutions simultanées : une en noir et blanc, grand format et tirage limité pour les adultes et ce format plus classique en couleur pour la jeunesse. Rattaché à la ligne claire et imprégné de la culture Spirou, l’auteur a l’habitude de créer des personnages très vivants et, malgré la noirceur du sujet, n’hésite pas à s’amuser avec. L’album multiplie les traits d’humour et les clins d’œil pour dépeindre un univers tout à la fois futuriste (l’omniprésence des machines, les navettes téléphériques) et bourré de références passées (la vie dans les mines, Napoléon, le régime nazi, les goulags...). Chacun est dans son rôle : le petit empereur capricieux, l’inflexible capitaine, le savant fou, le peuple docile et les « fortes têtes », et au milieu, le débrouillard Apollo et son rat Anthracite jouent les aventuriers. Son côté caricatural d’une lutte des « bons » contre les « méchants » sur fond d’avertissement écologique n'empêche pas le lecteur d'adhérer au livre. En avançant, l'histoire fait naître l'espoir que les choses changent, et on attend maintenant la révolte prévue dans le tome 2.