Des jours comme ça
L'avis de Ricochet
Plongée directe dans un bain végétal et fleuri, tout embaumé des parfums de printemps, cet album est un émerveillement.
Avec son titre en demi-teinte qui n’en dit pas plus que ça et cette couverture déjà prometteuse, quoiqu'assez énigmatique, le livre s’ouvre sur des dédicaces indicielles, une citation de Rainer Maria Rilke, rien que ça, et enfin un petit avertissement programmatique… Il en faut des pages pour en venir au fait ! ... Qui ne font qu’attiser notre curiosité bien sûr !
Et tout à coup, nous y voilà, c’est le grand plongeon : la double page illustrée par Alice Gravier s’affiche en vis-à-vis de deux vues différentes du même lever de soleil, qu’on reconnaît grâce aux nuages, au feuillage du chêne, lointain sur la page de gauche, tout proche sur celle de droite. Avec le même texte : « Ce n’est pas tous les jours qu’on a la chance de voir le soleil se lever. » C’est un procédé qui appelle à l’observation fine et qui rappelle Forêt des frères de Yukiko Noritake. Que voit-on alors ? La couleur est dense, les contrastes profonds. Le trait est sûr, infiniment précis comme le détail de l’écorce de l’arbre, du tissu de l’oreiller, mais qui parle sous la plume d’Oriane Smith ? Tournons la page.
Au fil des séquences ainsi déclinées, de double page en double page, le lecteur assiste à une exploration de l’espace, proche ou éloigné, avec des angles de vue variés, plongée, contre-plongée, gros plan, plan large, plan rapproché, qui nous égarent et nous intriguent ; mais toujours la luxuriance de détails dans la peinture d’Alice Gravier, en phase avec l’effervescence de la nature déployée, en particulier dans ce jardin qui revient très vite comme le terrain de cette exploration parallèle. Beaucoup de sensualité aussi dans cette expérience du regard, où l’artiste restitue l’atmosphère humide d’une matinée pluvieuse, la fraîcheur de l’air d’une nuit étoilée de lucioles, la sensation de bien-être, à l’abri et au sec, quand dehors l’orage gronde : Alice Gravier joue avec toute la palette des teintes de la végétation, des nuances de la lumière, pour exprimer précisément les sensations qui naissent de l’observation de chaque scène dans ce jardin, au fil des saisons.
On devine que cette exploration est le fait de deux regards, à des niveaux différents, avec un intérêt pour un objet différent aussi, par exemple les trésors cachés sous les branches tombées et pourrissantes et les fougères aux délicates dentelures ciselées, une balle à côté de trois noisettes sont mises alternativement en avant, à gauche pour la balle, à droite pour les noisettes… Les indices apparaissent, peut-être pas à la première lecture, découverte du livre pure de tout commentaire, mais l’esprit court vite et bientôt les langues se délient.
Le mystère est profond, son atmosphère un brin fantastique ; cette opposition si précise graphiquement, à la limite de l’hyper réalisme, est très intrigante dans son propos. Beaucoup de questions surgissent, des pistes se dessinent, mais jusqu’au bout du bout les autrices gardent le secret. Enfin révélé, dans un éclat de rire, il incite à reprendre aussitôt la lecture de cet incroyable voyage, où texte et image tissent un message plein de poésie, qui ouvre nos regards à l’observation, à la contemplation, et nous invitent à considérer d’autres perspectives, pour apprendre aussi à les respecter. Un vrai livre-poème, envoûtant et bienfaisant.
Présentation par l'éditeur
« Certains jours sont ordinaires et plus ternes. D’autres sont extraordinaires et nous surprennent ». Des jours comme ça nous présente des petits moments de la vie, des instants saisis sur le vif: admirer le lever du soleil, observer la pluie, découvrir des trésors cachés dans la forêt ou encore s’éblouir face aux nuits mystérieuses.
Racontés par deux voix narratives, chacun nous livre ce qu’il