Diapason

D’abord il y a le trait, horizontal. Celui qui zèbre la couverture, évoquant une multitude de portées musicales. La première page tournée, l’horizontalité cède la place à la verticalité, le trait se fait plus sinueux, il devient écorce, dessine des troncs devant lesquels apparaissent – on a déjà envie d’applaudir – de délicates rayures, celles de la jambe d’un pantalon.
C’est ainsi qu’il entre en scène, le petit chef d’orchestre de Diapason, un livre-leporello plein d’élan et d’élégance ; dans son beau costume, il va escalader les arbres et perché sur le plus haut d’entre eux, voici qu’il écarte les bras, demandant un silence qu’il avait déjà obtenu tant le lecteur est saisi par cette gracieuse entrée en matière et attend impatiemment la suite.
La suite, ce sera un envol magistral de feuilles, d’oiseaux, c’est à croire que chaque arbre attendait son heure, un geste du petit chef et cet orchestre végétal libère son flot de plumes et de verdures, mais cette partition-là se joue uniquement dans les noirs et les gris, avec un soupçon de jaune pâle. Le blanc de la page en est aussi le silence, puis on imagine les premiers bruissements, les premières échappées qui iront crescendo jusqu’à la symphonie finale, d’une exubérance féerique. Enfin, ce que fait le petit maestro de sa baguette si généreuse et féconde, une fois le concert achevé, une fois lui-même redescendu sur terre et les feuilles sur les arbres, je vous laisse le découvrir…
Dans ce premier album, Laëtitia Devernay fait preuve d’une virtuosité admirable : elle joue avec les espaces de la page, les arrondis et les traits, les blancs et les gris ; sans une note et sans un mot elle parvient à faire entendre une histoire et une mélodie, elle imprime une cadence à cette partition si originale. Et le livre terminé, on peut encore le déployer telle une longue fresque pour se remémorer les émotions qu’il nous a fait vivre.

Sylvie Neeman
Article paru dans Le Temps du 11 décembre 2010