Histoire aux cheveux rouges

Première représentation en 1973 ; première édition en 2002 puis réédition en 2013, dans une collection « Soleil Debout » qui souhaite constituer la base d’un répertoire « classique » des théâtres jeunes publics, l’Histoire aux cheveux rouges de Maurice Yendt est chargée d’histoires : une histoire du théâtre jeune public, celui des « Jeunes Années » à Lyon ; une histoire du théâtre de l’époque héritier des conceptions brechtiennes et une histoire racontée par le texte à l’écoute des préoccupations du temps. Amer, jeune homme aux cheveux rouges quitte le Pays de Cuivre, son pays où « le soleil ne réchauffe que des cailloux », muni de certificat et de diplôme pour aller vivre mieux au mirifique Pays Bleu. Miraculeux, merveilleux c’est ce que proclament à longueur de journée le chœur des gens bleus du Pays bleu et Madame Télévision bleue. Déception, humiliation c’est ce que vit Amer au pays bleu. Ni l’épreuve du passeur escroc ni celle de sa dévalorisation au travail ni la déshumanisation liée au reniement de sa culture ne lui sont épargnées. L’architecture sociale et spatiale bleue thématise l’embrigadement mental et la hiérarchisation sociale : le maréchal Cobalt mène tout le monde à la baguette, dans un décor alvéolaire symbolique. Beaucoup de personnages animent la scène dans une construction polyphonique où tableau après tableau s’ébauche la société bleue monolithique où Amer aux cheveux rouges détonne... Le professeur Cérule, la vieille femme bleue, Méthylène enfin apportent une conclusion heureuse. A la lecture, certains aspects trop appuyés peuvent paraître vieillis sans avoir à aucun moment perdus de leur actualité. Mais, le mouvement d’ensemble de la pièce, son côté musical, son rythme, la beauté du personnage d’Amer le bien-nommé nous rappellent que tout le travail de Maurice Yendt témoigne de sa volonté d’offrir aux enfants, une « ouverture au monde et aux langages artistiques, [une] initiation, dès le plus jeune âge, à la pluralité des formes et des contenus du théâtre contemporain ». Cette pièce porte ces ambitions et le jeune public d’aujourd’hui a encore les mêmes besoins d’une écriture porteuse de valeurs.