Homophonie
L'avis de Ricochet
Voici un brillant exercice, spirituel et plein d’humour, qui rend à la langue française sa force et son charme : de jeu de mot en cabriole de voix, ponctués par Serge Bloch de taches de couleurs semées parmi le blanc comme le faisait Joan Miró, Karine Naccache nous entraîne dans une joyeuse farandole d’élucubrations poético-lexicales. Elle se joue des règles et de l’ennui pour proposer avec succès de jolis tours de passe-passe : chaque fable a son titre et sa page unie bleue, rouge ou jaune qui la met en valeur, car chaque texte se savoure et peut se lire à haute voix
Maux à mots propose un chemin de lecture, une sorte de mode d’emploi, ou de méthode d’écriture proprement poétique comme dans « les couleurs et les sons se répondent ». L’inverse de ce que suggère le titre du poème ! « C’est rare qu’on ne se trompe pas ! [...] Apprenez-les par cœur / Répétez-les en chœur / Dans la cour et en cours / Dans les champs, par les chants ». Dans Le mythe de la mite, c’est une démonstration, certains vers sont en gras comme pour marquer le ton, rappeler la leçon. L’ouvrage n’a rien d’un manuel, mais de-ci, de-là, l’auteure avance quelque maxime utilisable, comme toute « morale de la fable ». Et aussi des formules mnémotechniques et enchaînements syllabiques (« Brie de Meaux, bris de mots », « Dans la poêle, poil au dos »), dictons, détournement de formules et petits indices d’usage, quelques leçons de vie aussi comme l’art de ne pas prêter le flanc aux insultes.
Avec Cep, cèpe, c’est parti, c’est le retour de la poésie des saisons, thème traditionnel de la poésie d’école ici ponctué de quelques vérités toujours bonnes à entendre : « L’orthographe, ça s’apprend, même quand la logique flanche… ». Ou dans Sans fard : far, fard, phare, « Quand les mots se ressemblent, l’orthographe fait la loi / Elle porte nos racines, nos histoires, nos combats ». Les contes qu’on relit sans en tenir le compte, le comte attend son tour, noblesse oblige, comment les repérer ? À coups de définitions, de métaphores, de comparaisons comme dans J’entends des voix : entre voix, voie, ou encore voit, la poétesse rappelle, « [Les homophones,] il faut les remercier de ce qu’ils font pour nous / Car en nous faisant suivre les voies des mots qui jouent, / Ils nous gardent de croire la voix d’un seul gourou ! ».
En contrepoint, l’illustration tendre et malicieuse de Serge Bloch adoucit ce tourbillon cérébral, et avec des dessins qui évoquent l’enfance, introduit la distanciation nécessaire à l’assimilation de cette leçon d’esprit. Comme ce gros bonhomme qui ouvre sa grande bouche pleine de dents dans laquelle est inscrit en rouge le mot FIN : c’est le dessin qui suggère l’homophonie, rappelant que les amateurs de mots en images ont aussi leurs astuces !
Ainsi peut-on pratiquer l’ouvrage comme un livre-jeu, une mine d’idées dans laquelle puiser au hasard ou à dessein, pour faire aimer la langue aux enfants qui n’en connaissent qu’un usage commun ; ils découvriront à travers ces objets poétiques mais ô combien savants que le jeu de mots peut n’être pas laid et rendre les gens plutôt intelligents, et que souvent, dessiner c’est aussi faire langue. D’ailleurs, « On dit fin, c’est fini. On dit feint, ça ne l’est pas », la leçon finale est plutôt au milieu de l'ouvrage, elle rappelle aux lecteurs et lectrices qu’orthographe, règles et exceptions sont d’abord et avant tout nées de l’imagination et de l’esprit humain car : « Prenez votre smartphone. Parlez-lui sans clavier / Dictez deux homophones, et le voilà largué / Il confond signe et cygne, résonne sans raisonner / Alors que l’humain pige dès qu’il entend parler / […] Entre nous et la machine, on reste les plus doués ! ».
Et l’ouvrage de Karine Naccache mis en images par Serge Bloch en est l’époustouflante démonstration !
Présentation par l'éditeur
Les fameuses paires mot/maux, mite/mythe, chêne/chaîne ou encore le terrible quatuor pi/pis/pie/pis... Qui n’a jamais été embêté par ces mots qui s’écrivent différemment mais sonnent identiques à nos oreilles ? Homophonie regroupe seize fables qui mettent en scène les difficultés liées à certains homophones. Illustrées par le talentueux Serge Bloch, ces petites histoires permettent d’aborder enfin l’homophonie avec humour et décontraction.