Jérôme, Amédée et les girafes

Sous sa peau de girafe, Jérôme a la physionomie d’un ours. Son pelage tacheté l’incite alors à se tourner du côté de celles qu’il pense être ses congénères. Lorsqu’elles lui demandent, « t’es qui toi ? », Jérôme leur répond « une girafe pardi » ! Mais les belles au long cou ne l’entendent pas de la sorte : après concertation, elles déclarent que « bien que monsieur soit vêtu de taches et d’orange », elles le considèrent comme un ours. Abattu, le pauvre se rend donc au rocher de ses frères plantigrades. Là-bas encore et au vu de leur épouvante, il comprend n’être pas des leurs. Seule l’arrivée d’Amédée, une girafe à l’allure d’éléphant, tirera Jérôme de sa douloureuse solitude. Les deux s’en iront fonder un nouveau troupeau de girafes… atypiques. Certaines d’entre elles auront un physique d’oiseau, de rhinocéros ou de lion ; mais qu’importe ?

Des couleurs éclatantes, un graphisme gai et loufoque renforcé par des onomatopées rythmées mettent ce superbe album à la portée des petits. L’auteur ne sous-estime pas pour autant leurs facultés à assimiler un vocabulaire précis et soutenu – que l’adulte lecteur aura le loisir de reformuler dans un premier temps : ses girafes « folâtrent et batifolent », elles « tiennent un conciliabule et rédigent une déclaration ».

Petits et grands sont conviés à prolonger la réflexion : chaque être, bien qu’unique, a besoin de se sentir intégré, d’appartenir à une communauté. Ainsi, la société doit veiller à tolérer aussi ceux qui peinent à « entrer dans son moule ». Avec la liberté d’interprétation qu’il laisse à chacun, Nicolas Gouny condamne ici à la fois le racisme, l’homophobie et le non-respect de l’altérité – au sens large.