La fin du monde

C’est l’histoire d’un scarabée qui disparaît, « un de ceux qu’on n’aime pas, c’est pour ça que tout le monde dira Dieu merci c’en est fini bon débarras ». L’ennui, c’est ce que le scarabée en question ne peut plus nourrir l’oiseau, qui lui-même alimentait les tendres poissons, qui ne pouvant plus satisfaire l’appétit du gros poisson se trouvent remplacés par des épinoches jaunes, elles-mêmes amatrices de petits insectes, qui de ce fait prolifèrent... Et voilà la récolte de maïs anéantie, les poulets, empoisonnés au mercure des farines de poisson, sont brûlés et l’air réchauffé fait fondre les glaces et monter l’eau ; si bien que la fin du monde n’est déjà plus très loin, voire même a-t-elle peut-être déjà commencé !

À la manière d’un conte clamé depuis une scène, ce texte à rimes, écrit en 1973 et déjà prémonitoire, est publié à l’Œuvre Suisse des Lectures pour la Jeunesse (OSL) et adressé aux 2^e et 3^e cycles. Artiste engagé aux multiples facettes, conteur de cabaret, chansonnier violoncelliste, Franz Hohler, né en 1943, est un écrivain suisse renommé, auteur de nombreux romans et livres jeunesse (il a créé le personnage du petit garçon Chipo). Ce récit court et rythmé ressemble plus à un coup de gueule lancé face à la folie destructrice de l’humanité. S’il a le mérite de l’honnêteté derrière un titre sans ambiguïté, on peut tout de même s’interroger sur le message qu’il véhicule auprès des enfants. À sa lecture – parfois un peu complexe – ces derniers prendront certes conscience que la catastrophe écologique, loin d’être une fatalité, commence au bout de leur jardin par l’attention qu’ils choisiront ou non d’accorder aux petites bêtes mal aimées, y compris les pauvres scarabées tout crottés. Mais avec une fin un peu trop définitive et les images quelque peu inquiétantes de Dieter Leuenberger, l’ouvrage n’est pas à mettre entre toutes les mains. Un minimum d’accompagnement s’impose en tout cas pour que le jeune lecteur fasse son chemin – sans doute l’effet attendu – et y réfléchisse à deux fois la prochaine fois qu’il aura la tentation d’écraser un scarabée.