La petite princesse de Saint-Ex

Placide et perplexe, un cheval raconte…
Un soir, un bruit inouï au sens premier, jamais entendu, vraiment très inquiétant, le surprend ; frayeur partagée par son maître fermier qui sort de la maison et part à la rencontre d’un homme casqué, un pilote !

On est dans le sud de la France près de Toulouse, au début du XXe siècle et, le lecteur, par cheval interposé, a assisté à l’atterrissage forcé d’Antoine de Saint-Exupéry de retour d’Alicante en Espagne. Nous découvrons alors toute la légende de l’aéropostale : son engagement, les risques. Le regard du cheval narrateur permet de mesurer l’étrangeté de cette aventure : où sont les 300 chevaux dont parle Saint-Exupéry ? A quoi sert cet engin ? Le service du courrier évoque, pour l’animal, le vélo du facteur ! On mesure aussi le progrès accompli. L’unique téléphone est loin. L’électricité existe mais à la ferme, on s’éclaire encore à la lampe à pétrole. La voiture commence à concurrencer la traction animale et le cheval témoigne de son inquiétude. Par petites touches habiles et drôles, Pef nous enrôle dans l’histoire. Pour Saint-Ex c’est une question d’honneur et de loyauté au service de cette liaison courrier transatlantique, héroïque et modeste. Pour le cheval, c’est une énigme. Pour Marcelle, la petite fille de la ferme, c’est un souvenir précieux et pour nous lecteurs, c’est une petite histoire dans la grande, comme une anticipation du destin, celui de l’aviateur du Petit Prince, perdu dans le désert, celui de Saint-Ex, perdu en mer. Ces jeux d’emboîtements, ces regards un peu décalés composent une histoire touchante et tendre avec ce qu’il faut d’humour toujours sensible aussi bien dans le texte que dans les images caractéristiques de l’univers de Pef. Fidèle à lui-même, ce raconteur, entre Histoire authentique, le document final l’atteste, et narration, sème les « trésors de la lecture », c’est ce que dit le cheval et il a bien raison.